Cher indécis, chère
indécise,
Vous n'êtes pas sans savoir
que les élections approchent à grands pas. Les derniers sondages réalisés par les
organismes indépendants montrent que cette année plus que jamais tous les
partis et tous les candidats seront au coude à coude, et qu'il serait bien
possible que ce soit votre voix, oui, vous entendez bien, cher indécis, chère
indécise, votre voix qui fasse la différence.
Jugez-en plutôt : d'après
ces mêmes instituts de sondages, la gauche recueillerait dix-sept pour cent des
suffrages, la droite quinze, l'extrême droite six, l'extrême gauche cinq, et
les écologistes treize. Les douze autres partis se partageraient quant à eux
dix-neuf pour cent des voix. Vous aurez vite fait vous-même, cher indécis,
chère indécise, le total des personnes s'étant prononcées dans ces sondages :
septante-cinq pour cent. Cela signifie donc que vingt-cinq pour cent des voix
restent à conquérir.
Et vous, cher indécis, chère
indécise, à qui accorderez-vous la vôtre ? Vous ne pouvez tout de même pas
rester ainsi, sans guide, sans maître à penser. Non ! Et voter blanc est une
aberration intellectuelle, comme vous le savez très bien. Alors, pourquoi ne
pas vous tourner vers, disons, moi, par exemple. Car, en y réfléchissant bien,
qu'ai-je de moins que les autres ? Moi aussi, je suis capable de serrer des
mains anonymes, de faire de grands sourires devant les caméras, de lire des
discours que je n'ai pas écrits et de signer des documents que je ne
comprendrais pas quand bien même il me prendrait l'idée saugrenue de les
lire...
C'est donc entre vos mains,
cher indécis, chère indécise, que je remets mon sort. Et vous ne me décevrez
pas, cela je le sais pertinemment bien. Ensemble, dès le lendemain de l'annonce
des résultats, nous pourrons commencer à poser les premières pierres d'un monde
meilleur, plus juste, plus équitable et plus humain. Pour nous, pour nos
enfants, pour les générations qui nous succéderont, je vous le demande
humblement, cher indécis, chère indécise, exprimez-vous en ma faveur, et vous
ne le regretterez pas !
(Publié dans le n° 37 de La Bafouille incontinente)