mardi 2 décembre 2014

Lettre à un indécis



                    Cher indécis, chère indécise,


                    Vous n'êtes pas sans savoir que les élections approchent à grands pas. Les derniers sondages réalisés par les organismes indépendants montrent que cette année plus que jamais tous les partis et tous les candidats seront au coude à coude, et qu'il serait bien possible que ce soit votre voix, oui, vous entendez bien, cher indécis, chère indécise, votre voix qui fasse la différence. 

                    Jugez-en plutôt : d'après ces mêmes instituts de sondages, la gauche recueillerait dix-sept pour cent des suffrages, la droite quinze, l'extrême droite six, l'extrême gauche cinq, et les écologistes treize. Les douze autres partis se partageraient quant à eux dix-neuf pour cent des voix. Vous aurez vite fait vous-même, cher indécis, chère indécise, le total des personnes s'étant prononcées dans ces sondages : septante-cinq pour cent. Cela signifie donc que vingt-cinq pour cent des voix restent à conquérir.

                    Et vous, cher indécis, chère indécise, à qui accorderez-vous la vôtre ? Vous ne pouvez tout de même pas rester ainsi, sans guide, sans maître à penser. Non ! Et voter blanc est une aberration intellectuelle, comme vous le savez très bien. Alors, pourquoi ne pas vous tourner vers, disons, moi, par exemple. Car, en y réfléchissant bien, qu'ai-je de moins que les autres ? Moi aussi, je suis capable de serrer des mains anonymes, de faire de grands sourires devant les caméras, de lire des discours que je n'ai pas écrits et de signer des documents que je ne comprendrais pas quand bien même il me prendrait l'idée saugrenue de les lire...

                    C'est donc entre vos mains, cher indécis, chère indécise, que je remets mon sort. Et vous ne me décevrez pas, cela je le sais pertinemment bien. Ensemble, dès le lendemain de l'annonce des résultats, nous pourrons commencer à poser les premières pierres d'un monde meilleur, plus juste, plus équitable et plus humain. Pour nous, pour nos enfants, pour les générations qui nous succéderont, je vous le demande humblement, cher indécis, chère indécise, exprimez-vous en ma faveur, et vous ne le regretterez pas !

(Publié dans le n° 37 de La Bafouille incontinente)

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