(Les derniers exemplaires sont disponibles sur demande à l'adresse Renaud.Lejeune@gmail.com)
POÉSIE
STRUCTURE PYRAMIDALE
Comme un homme je reviendrai
Que reste-t-il
De nos amours
Après la pluie
Et après avoir
Bu l'eau des
Fleuves de l'Oubli
La pluie est venue
Tant de fois
Et j'ai bu tant de
Cette eau que je
Redoute à présent
La vue de la moindre
Goutte d'or annonçant
L'heure proche d'une nouvelle
Mort pour un des tristes corps
Qu'il m'ait été donné
D'incarner et dont
Je ne me souviens
Parfois au détour
D'une sombre ruelle
Ou au plus profond
D'un songe que m'offrent
Par erreur le sommeil
Et la nuit je croise
Un regard un sourire un parfum
Qui me rappelle un être
Que je sais avoir aimé
Si fort et dont le simple
Nom m'a été ôté
Pour l'Éternité
Se souvenir
Est insupportable
Mais
Oublier
L'est
Tout autant
[Part I - L'amertume]
Le saut de
l'ange,
Une femme une sœur un ange une déesse après eux est passée
donnent au ciel
couleur d'apocalypse
s'ils ne viennent pas
je n'écrirai pas
J'ai laissé mon cœur au fond d'une malle en osier
Je prends place
Dans la grande arche
Le vent nous pousse
L'eau du fleuve
Quand le ballon tourne
C'est comme si l'aquilon
Emportait notre âme
À Isabelle BIELECKI
La Mer Noire
Deux regards se croisent
Deux corps s'apprivoisent
J'étais fou, et me voici roi,
Du haut de cet empire,
J'étais fort, j'étais riche,
En mon for cette éternelle question
Mais maintenant que je sais
De ces démons que sont
À leur simple évocation
Pourquoi ne pas croire
Apologies
for Crimes
Sur la route de la gloire
Je perds une partie de mon âme
à chaque carrefour
Sur la route de la Gloire
Je guéris et reprise mon âme
à chaque croisement
La Dame Blanche
Comme toute femme
Tend les mains
Vers les hommes
Qu'elle aime
Nous voudrions
tous
Les serrer
dans
nos bras
Les couvrir
de
baisers
Là est notre
plus grande
erreur
Chaque femme est un ange
placé sur notre chemin
par la Divinité
Et l'amour se meurt
Sur la taie plissée
D'un oreiller
L'or et le vin qui nous faisaient chanter
POÈMES
en prose
QUINTESSENCE
Nous étions deux,
Je n'avais connu que le jour depuis le trou noir de ma naissance, quelques heures plus tôt.
J'étais terrorisé lorsque le soleil disparut : je pensais que j'allais être condamné à vivre dans cette obscurité profonde dans laquelle mes yeux ne distingueraient rien pour l'éternité.
Je pense avoir prié toute la nuit, bien que je n'eusse jamais entendu parler d'un quelconque dieu...
Au matin, un peu avant l'aube, j'ai entendu les oiseaux chanter, et je pense encore aujourd'hui que même le chant des anges n'égale pas leur talent.
Depuis lors, des milliers de jours et de nuits se sont écoulés, et je sais qu'il m'en reste des millions d'autres à vivre ; et pourtant, je reste persuadé qu'ils seront tous différents...
[Une éclaircie perce les ténèbres, une main de feu s'empare du démon et le dépose, inanimé, à la surface de la Terre]
LE MIROIR
(Don't give hate a chance...)
Il m'est arrivé une histoire bien singulière il y a quelques années...
Après une mauvaise chute sur un terrain de sport, je me suis brisé la deuxième phalange de l'annulaire de la main gauche.
Je me suis donc d'abord rendu chez mon médecin traitant, qui m'a envoyé à l'hôpital pour y faire quelques radios... Une fois celles-ci opérées, il apparut que cette fracture était une fracture très complexe, et on m'a conseillé de consulter un spécialiste au sein de ce même hôpital... Après les deux mois d'attente réglementaires avant le précieux rendez-vous, j'ai rencontré le plus éminent orthopédiste de l'hôpital, qui a trouvé le cas très très intéressant, et m'a envoyé chez un de ses confrères encore plus éminent, le plus éminent de la ville ! Qui, à son tour, m'a envoyé chez un confrère encore bien plus éminent, qui, paraît-il, avait été trapéziste volant avant de se tourner vers la chirurgie de la main, ce qui a bien fait rire son assistant, je n'ai pas bien compris pourquoi d'ailleurs, même les médecins ont le droit d'aimer le cirque, non ?
C'est à ce moment que je me suis levé discrètement, et me suis éclipsé du bureau de notre homme, en refermant avec le plus de délicatesse possible la porte. Je ne sais pas s'il a même remarqué mon départ... Heureusement que le sourire entendu de sa secrétaire m'ait changé les idées...
Et pour mon doigt, me demanderez-vous ? Je suis tout simplement retourné chez mon médecin traitant, pour une otite, cette fois, quelques jours après mon retour... Il a regardé mon doigt en remplissant l'ordonnance d'antibiotiques qu'il me prescrivait. Toujours pas réglé, me demanda-t-il ? Vous auriez du revenir me voir plus tôt... Enfin, bon, dit-il en soupirant... Il saisit mon doigt, le manipule quelques secondes, on entend un petit craquement, me fait un petit pansement, et me dit : "Voilà, dans trois semaine il sera comme neuf !"
Il faisait nuit... Pierre découvrait pour la première fois les rues de son quartier quand celui-ci était plongé dans l'obscurité.
Quand son corps fut vidé de toutes ses forces, il s'effondra au pied d'un grand chêne et s'endormit...
Un jour, un jeune homme plein d'enthousiasme, dont j'ai oublié le nom, vint me trouver...
Au comble de l'exaltation, il me dit : "Maître, j'ai enfin trouvé, oui, j'ai enfin trouvé la solution, le vaccin contre la connerie humaine, ce que nous cherchons depuis si longtemps !"
Il m'exposa son idée, et, plein de ce même enthousiasme, qui allait s'avérer contagieux, nous décidâmes de la communiquer au monde.
La nuit tombait. J'avais passé l'après-midi dans les bois d'Ostrava, et le froid engourdissait mes doigts.
"À la chaîne
La pensée est la plus puissante des énergies que l'on puisse maîtriser, et non la matière comme l'on tend trop souvent à le croire, puisque la pensée est capable de moduler la matière.
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EXUVIE
Première partie
POÉSIE
La poésie est la science ultime ;
elle seule est capable de fédérer toutes les
couches du savoir.
VÉRITÉ
Tout ce qui nous paraissait vrai
Du jour au lendemain
S'est effacé
Au plus profond de nos êtres
Quelque chose s'est brisé
Comme un vase de cristal
Tout ce qui nous paraissait vrai
N'est plus d'actualité
Un vers un poème
Un nouvel alphabet
Rien ne reconstruira
Notre cœur en éclats
Du jour au lendemain
S'est effacé
Au plus profond de nos êtres
Quelque chose s'est brisé
Comme un vase de cristal
Tout ce qui nous paraissait vrai
N'est plus d'actualité
Un vers un poème
Un nouvel alphabet
Rien ne reconstruira
Notre cœur en éclats
ALPHABET
Avec pour seule lumière la flamme d'une
Bougie, il s'aventura très loin dans les dunes.
Confronté pour la première fois à la Nuit ,
Doucement, il sentait l'effroi monter en lui.
Étourdi depuis des heures par le ressac,
Frémissement des vagues, la mer qui attaque
Gaîment la terre comme pour défendre son
Honneur. Il avait froid, étranges sensations...
Il ne savait plus très bien ce qu'il faisait là.
Juvénile explorateur, il découvrira
Kamis protecteurs au pied de l'arbre assemblés.
- Louange à Vous, ô Gardiens de l'Éternité !
- Mais quel est donc ce mécréant venu troubler
Notre divine réunion ? Veux-tu parler ?
- Ô Maîtres, je ne suis qu'un misérable enfant.
Pardon. Je marche depuis hier soir. Où vais-je,
Que fais-je ? Votre simple vue est privilège
Rare pour un grossier cloporte comme moi.
- Sois fier ! Vers nous, nous avons guidé tes pas.
Tu nous serviras désormais dans l'Invisible.
Un jour, tu pourras entrer dans l'inaccessible
Vallée où vivent en totale liberté
Wapitis et Cerfs, où, sur le bois d'olivier,
Xylophages ne prospèrent guère. Pourquoi
Y aurait-il d'autres que ceux qui ont la foi,
Zélés, à obtenir un rôle au firmament ?
STRUCTURE PYRAMIDALE
À BASE ALEXANDRINE
Un
Enfant,
C'est quelqu'un
Toujours rêvant,
Toujours espérant,
La vie traversant,
La mort ne connaissant point,
Les yeux tournés vers le lointain,
Comme ces poètes l'horizon
Défiant, narguant jusqu'à la raison.
Un enfant, c'est comme une dernière chance,
Un être fait de chair, de sang et d'espérance.
Enfant,
C'est quelqu'un
Toujours rêvant,
Toujours espérant,
La vie traversant,
La mort ne connaissant point,
Les yeux tournés vers le lointain,
Comme ces poètes l'horizon
Défiant, narguant jusqu'à la raison.
Un enfant, c'est comme une dernière chance,
Un être fait de chair, de sang et d'espérance.
Comme un enfant
Comme un enfant je partirai
Les larmes brûleront mes yeux
Face à un monde sans pitié
Comme un enfant je reviendrai
Les souvenirs laveront mon âme
Dans le jardin où j'ai grandi
Comme un homme je partirai
Le cœur bouillonnant d'illusion
Devant de fades gratte-ciels
Comme un homme je reviendrai
Pleurer sur la tombe
de ma mère
Une vieille maison de bois
Une vieille maison de bois
Où dans l'âtre de marbre rose
Crépite un feu.
Quelques feuilles de papier
Traînent sur la table
En désordre.
La poussière
Colle aux murs
Et aux fenêtres.
La lumière du jour
Peine à y pénétrer.
Un oiseau
Sur une des branches
Du vieux pommier
Se pose.
Tout semble réuni
Pour une esquisse éternelle
D'un bonheur perdu
Depuis l'aube des temps.
Un jour,
L'enfant qui l'habite
Soulèvera le voile
Et les premières larmes
De l'homme qu'il sera devenu
Perleront au coin
De ses yeux.
Elles toucheront le sol
Et deviendront cristal.
La glace envahira son cœur
Et la haine
Troublera
Son esprit.
Où dans l'âtre de marbre rose
Crépite un feu.
Quelques feuilles de papier
Traînent sur la table
En désordre.
La poussière
Colle aux murs
Et aux fenêtres.
La lumière du jour
Peine à y pénétrer.
Un oiseau
Sur une des branches
Du vieux pommier
Se pose.
Tout semble réuni
Pour une esquisse éternelle
D'un bonheur perdu
Depuis l'aube des temps.
Un jour,
L'enfant qui l'habite
Soulèvera le voile
Et les premières larmes
De l'homme qu'il sera devenu
Perleront au coin
De ses yeux.
Elles toucheront le sol
Et deviendront cristal.
La glace envahira son cœur
Et la haine
Troublera
Son esprit.
VESTIGES ATAVIQUES APRÈS LA PLUIE
Que reste-t-il
De nos amours
Après la pluie
Et après avoir
Bu l'eau des
Fleuves de l'Oubli
La pluie est venue
Tant de fois
Et j'ai bu tant de
Cette eau que je
Redoute à présent
La vue de la moindre
Goutte d'or annonçant
L'heure proche d'une nouvelle
Mort pour un des tristes corps
Qu'il m'ait été donné
D'incarner et dont
Je ne me souviens
Parfois au détour
D'une sombre ruelle
Ou au plus profond
D'un songe que m'offrent
Par erreur le sommeil
Et la nuit je croise
Un regard un sourire un parfum
Qui me rappelle un être
Que je sais avoir aimé
Si fort et dont le simple
Nom m'a été ôté
Pour l'Éternité
Se souvenir
Est insupportable
Mais
Oublier
L'est
Tout autant
HAOMA
[Part I - L'amertume]
Ô dieu Soma
Je me souviens de toi
Et de la vie éternelle
Que tu m'accordas
Plutôt éternelle
Errance tu m'apportas
Odieuse Amrita
Qui me tendis les bras
Moi qui ne demandais
Que de l'âme le repos
Si j'avais su jamais
Je n'aurais bu de ton eau
Une vie de souffrance
Est assez lourde à porter
Pour mon humaine essence
Que dire alors de cette éternité
Du corps que tu m'allouas
[Part II - L'ivresse]
Immortel enfin me voilà !
Tout m'est donc désormais permis
Aucune de vos lances ne m'atteindra
Aucune de vos épées mon cou ne tranchera
Oui dieu Soma
C'est bien de toi
Que dans cette coupe
Je me suis repu
Oui cette force indicible
Qui m'habite c'est bien toi
Qui me l'a fournie
J'ai tranché les têtes
De ceux qui m'ont trahi
Et celles de ceux qui
Ne l'ont pas fait
Fait taire à jamais
Les langues qui ont un jour osé me défier
Tout m'est donc désormais permis
Aucune de vos lances ne m'atteindra
Aucune de vos épées mon cou ne tranchera
Oui dieu Soma
C'est bien de toi
Que dans cette coupe
Je me suis repu
Oui cette force indicible
Qui m'habite c'est bien toi
Qui me l'a fournie
J'ai tranché les têtes
De ceux qui m'ont trahi
Et celles de ceux qui
Ne l'ont pas fait
Fait taire à jamais
Les langues qui ont un jour osé me défier
[Part III - La
décadence]
Oui dieu Soma
Qui me fit indestructible
C'est bien à cause de toi
Que j'ai goûté à tous les vices
Gourmandise et luxure
Ont fait de moi
Ce rondouillard ventripotent
Aux yeux rieurs et moqueurs
Je méprise la vie des autres
Puisque je sais qu'ils vont
S'évanouir dans le néant
Que j'envie parfois à présent
Je me joue des femmes
Et m'amuse à briser leur cœur
La mort qui est si proche pour
elles
Saura bien assez vite apaiser
leurs souffrances
Mais qui donc viendra soulager ma
tristesse ?
[Part
IV - Résilience]
Oui dieu Soma
Tout ceci n'était bien
Qu'un songe je n'ai bu
Qu'un peu d'eau et de vin
Avant que de m'endormir
Comme tous les autres
Je sais que je peux mourir
Demain j'ai rêvé si fort
Que j'en suis arrivé à croire
En cette chimère qui a
Égaré mon esprit pendant
Si longtemps j'ai peur
À présent de ce néant
Qui m'attend oui j'ai peur
Mais oui j'accepte enfin mon
destin
Le destin de tout être humain
Je peux marcher sur la Terre la tête haute...
LA PROIE
Je suis une proie facile
de celles qu'on aime
douces et dociles
J'attends désespérément
sur un banc que
quelqu'un m'appelle
Un souffle fait s'envoler
des feuilles rougies
par l'automne
Deux hommes passent
il suffirait d'un sourire
aucun d'eux n'ose
Je suis seule triste et perdue
je suis une ombre qu'on voit
la nuit dans les rues de la ville
Mes joues et mes yeux sont
creusés
je suis maigre à en faire
trembler
une voiture vient de s'arrêter
"Ça te dirait de travailler
pour moi ?"
je fais oui de la tête
mon destin est scellé
De bars en vitrines
je vais louer mes charmes
les mains aux fesses les coups
parfois
Tout cela ne me fait plus rien
je veux crever mais je n'y arrive
pas
je me suis ouvert les veines
J'ai avalé tout plein de
comprimés
mais je suis toujours là
chaque matin l'angoisse me
déchire
Un peu plus mon corps et mon âme
ne sont plus que lambeaux
je n'arrive plus à compter
jusqu'à dix
Sans me tromper
je crois que j'ai même
oublié mon nom
La créature que je croise
dans les miroirs n'est plus
que le fantôme de ma mémoire
L'OLYMPE PERDU
Aphrodite aux seins lourds se baignait
Héphaïstos près de la forge martelait
Apollon à l'ombre d'un arbre reposait
Zeus aux mortelles nues songeait
Héra même les rêveries de son frère jalousait
Hermès après l'arc-en-ciel courait
Athéna un œil sur la ville sacrée conservait
Artémis avec la biche et le faon jouait
Éros de ses flèches les cœurs tourmentait
Arès de ses nombreux combats rêvait
Déméter sur les champs d'or veillait
Dionysos au cœur de la vigne sommeillait
Poséidon armé de son trident guettait
Hestia toute la maisonnée surveillait...
Il est des mots...
Il est des mots qui brûlent
Bien plus que les flammes infernales
Il est des mots qui brûlent
Parce qu'on n'ose les prononcer
Il est des mots qui brûlent
Pour nous conduire à la liberté
Il est des mots qui brûlent
En noble sacrifice
Il est des mots qui brûlent
Au faîte des temples
Il est des mots qui brûlent
En l'âtre des chaumières
Il est des mots qui brûlent
Dans le cœur des reines et des rois
Il est des mots qui brûlent
Au plus profond d'une prison
Il est des mots qui brûlent
En la moire de tes yeux
Il est des mots qui brûlent
Derrière un portail
Il est des mots qui brûlent
Devant un sage en prière
Il est des mots qui brûlent
Sous un chien qui pleure
Et plus que tout,
Il est des mots qui brûlent
En nos poitrines d'airain...
ÉVANESCENCE
"Je est un
autre"
Arthur
Rimbaud
Des rires et des chants
Résonnent en le lointain
Sur la colline
Un feu rougeoyant danse
En mon cœur c'est l'angoisse
Seul bien sûr que je suis seul
J'ai toujours vécu dans la solitude
C'est un fait
Mais cette solitude je l'ai choisie
Je n'ai besoin des autres
Que comme moteur
Je me nourris de leur vie
Je me nourris de leurs soucis
Puis je replonge en mon antre
L'antre de la création
Là seulement là
Je peux m'élever
Vers ce que l'on peut nommer
Le Divin
Oui je rêve des dieux
Je sens parfois leur présence
Et même leur regard
Eux qui pourtant nous méprisent
Sombres mortels que nous sommes
Ils m'invitent à leur banquet
Je prends place à leur table
Hébé (ou est-ce Ganymède ?)
Court de coupe en coupe
Et nous gave de nectar.
Le tonnerre gronde et me
réveille...
La pluie et l'orage ont éteint le
feu !
DÉCRUE
C'est la mer qui trace une route
Pour nos cœurs en déroute.
C'est le ciel qui s'écarte
Pour que doucement notre âme parte.
C'est le sol qui se fissure
Pour que coule sans murmure
Le long fleuve de l'oubli.
C'estla Lune
qui pâlit
Pour nous arracher nos illusions
Et nous montrer la voie de la raison.
Pour nos cœurs en déroute.
C'est le ciel qui s'écarte
Pour que doucement notre âme parte.
C'est le sol qui se fissure
Pour que coule sans murmure
Le long fleuve de l'oubli.
C'est
Pour nous arracher nos illusions
Et nous montrer la voie de la raison.
RYTHME de CROISIÈRE
La musique des sphères
La musique que l'on espère
La musique qu'on sait sincère
nous délivre
nous fait vivre
nous enivre
La musique transporte notre âme
Jusques aux confins de l'Univers
La musique seule guérit notre âme
Comme ce Dieu que l'on sert.
ET TOUT RECOMMENCE
Quelques mots, quelques notes
Sur une feuille de papier
Et c'est la chanson qui commence
Quelques larmes, quelques pleurs
Se perdant en un battement de
cœur
Quelques flammes, un peu de
poussière
Qui vole dans le ciel
Et c'est l'errance qui commence
Une phrase, deux ou trois mots
Et tout recommence
Et tout recommence...
Le saut de
l'ange,
c'est l'ENFER...
Il est parti sans se retourner, jamais...
Et depuis,
C'est un autre monde qui lui tend les bras.
Écoute ce cœur qui bat
Quand je te vois
Tourner les pas
Et depuis,
C'est un autre monde qui lui tend les bras.
Écoute ce cœur qui bat
Quand je te vois
Tourner les pas
Ces mots que personne ne lira
Le temps et le vent
Les effaceront
Le temps et le vent
Les effaceront
Mais en ton cœur
Pour l'Éternité
Se graveront
Se graveront
Un voyageur sans ombre
Bravant et la pluie
Et la nuit
Bravant et la pluie
Et la nuit
Ce carillon qui résonne
Comme un cœur qu'on abandonne
Un sage qu'on emprisonne
Comme un cœur qu'on abandonne
Un sage qu'on emprisonne
Un rêve sans fin
Pour rester vivant
Fuir contre le temps
Pour rester vivant
Fuir contre le temps
Une âme créatrice
Descendue des cieux
Et des nues
Et des nues
Sur le quai de l'oubli
Une gare évanescente
Un train qui passe avec fracas
Quelques larmes sur le quai de
l'oubli
Une nouvelle vie qui commence
Une autre qui s'évanouit
Osiris, papyrus et pain d'épice
Ils ont tout fait pour me faire
taire et me chasser...
Ils m'ont brisé bras et jambes
avant de me démembrer...
Ils m'ont crevé les yeux, le
cœur, le foie et les reins avant de me les arracher...
Ils ont voulu m'empêcher de
donner la vie en me privant de ma virilité...
Une femme une sœur un ange une déesse après eux est passée
Le vol d'un baiser
Un baiser léger léger
s'échappe de mes lèvres
et traverse les nuées
qui nous séparent
pour sur les tiennes
aller se poser
LIBERTÉ
J'envie le vent
qui souffle dans
la ramure
des arbres verts
Et tente en vain
d'oublier
les émeraudes
qui sommeillent
en l'écrin
de ma
mémoire
Quelques jours parmi nous
Il est des nuits cauchemardesques
Peuplées d'êtres carnavalesques
Il en est de tout aussi étranges
Peuplées de nymphes de fées et
d'anges
Il est des jours de joie et
d'amour
Quand le cœur se soulève et
palpite
Pour un regard un sourire une
pépite
un toujours...
Il est des passions dévorantes qui naissent au cœur
des nuits glacées
et qui font fondre l'amas
poudreux de nos trop longues solitudes
Désir
Caresses
Chaleur
Tendresse
Douceur
Toi
Moi
Nous
Quelques rires fous
Des souvenirs flous
Un rêve
Une espérance
Une vie
Des envies
Des larmes de bonheur
Ton odeur au creux de mon cœur
Ton sourire ravi
Tes désirs assouvis
Toi
Moi
Nous
Tout
Simplement
Les mots sont gouttes
d'eau qui un jour
peuvent devenir
ruisseau torrent
fleuve voire océan
capable de terrasser
le plus puissant
des Empires
comme de caresser
les hanches
d'une plage
de sable doré
Les nuages bleus
donnent au ciel
couleur d'apocalypse
SOLITUDE
Je suis seul
Je n'ai que toi
Tu es partie
Je n'existe plus
Un sourire
Te voilà revenue
OBSTINATION
J'attends les mots de l'ange
s'ils ne viennent pas
je n'écrirai pas
J'ai laissé mon cœur au fond d'une malle en osier
Je ne sais même plus le nom de
celle qui me l'a brisé
J'ai hurlé juré crié pleuré et
j'ai jeté la clé
Dans les douves du château du Roi
Pêcheur
J'ai salué la Reine
puis j'ai soulevé
le Voile de lin
qui recouvre
puis j'ai soulevé
le Voile de lin
qui recouvre
le Saint-Graal
J'y ai plongé les yeux
Mais je n'ai rien vu
Quiconque dira
le contraire
mentira...
J'entends du bruit
dans l'escalier
Le bouquet de fleurs
est fané
Budapest s'endort
sans nous
Je prends place
à nouveau
Dans la grande arche
de l'errance
Le vent nous pousse
espérance
Mon cœur bat
Mon cœur bat
à se rompre
L'eau du fleuve
est rance
La nuit sera
longue
Le dragon
Le dragon
reviendra
Le soleil
Le soleil
aussi
Je suis seul dans ma chambre
Ce soir encore je suis seul dans
ma chambre
La pluie frappe les carreaux
Dans mon frigo y'a plus que trois
tomates
Qu'est-ce que je vais bouffer
demain ?
J'en sais rien...
Quand j'pense à tous ces connards
Qui gagnent des milliards
En faisant crever
Des p'tits nègres pour deux
dollars la journée
J'ai envie de tout casser
D'balancer la table dans
l'escalier
Et les chaises par la fenêtre
Tout c'que j'risque
C'est de passer la nuit au poste
Avec les flics du quartier
D'vant une tasse de café bien
tassé
J'rêve que Stiglitz
Fasse sauter la banque mondiale
au napalm
Au lieu d'raconter ses p'tits
malheurs
Dans des bouquins
L'économie anthropophage
Me fait gerber
Mais trois fois par mois
J'vais au McDo
Et j'dépense mon fric
Dans tous les magasins chics
D'la ville d'à côté
J'prends ma bagnole tous les
matins
Pour aller chercher du pain
Trois rues plus loin
En pensant
Aux p'tits ours blancs
Qui meurent quelque part
Comme on l'dit au JT du soir
Entre deux guerres
Et les résultats du championnat
Je sais tout ça
Et je sais aussi
Que j'ne changerai pas
Qu'j'oublierai les ours
Dans dix ans
Que les guerres finiront
Et recommenceront
Et, qu'avec un peu de chance,
Le Standard s'ra encore champion
Cœur Suicidaire
Mon cœur saigne
Elle est partie depuis si longtemps déjà
Je n'ai plus la force de sourire
Au boulot à tous ces gens
Qui me regardent de haut
Depuis dix ans
On vient de couper le courant
Et l'eau de mon bain est glacée
Je n'ai plus la force de vivre
Je regarde les infos du soir
Et mon âme devient encore plus noire
J'espère que tout va s'arranger
Mais ce matin j'ai reçu un recommandé du propriétaire
Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ?
Je vais me retrouver dehors
Dans le froid, la nuit et le désespoir
Mon cœur saigne
Personne ne me tendra la main
Quand mes vêtements ne seront plus que lambeaux
Il ne me restera plus que la route, l'errance et la faim
Mais jusqu'à quand
résisterai-je ?
6 haïkus dans un train
Un esprit bien fait
Dans un corps aussi bien fait
Peut-être éternel
***
Un arbre une route
un chemin dans la campagne
l'avenir est là
***
Deux trains qui se croisent
souffle pur cristallin le
voyage commence
***
Paysage qui
défile et arbres qui dansent
c'est ce que je vois
***
La poésie est
le seul des chemins possibles
pour sortir d'enfer
***
Une mare un cygne
qui balance son cou et
ses ailes bien blanches
*
* *
Haïku pour ballon rond...
Quand le ballon tourne
C'est comme si l'aquilon
Emportait notre âme
Ô Belgique chérie
Ô Belgique chérie
Bénie d'entre les Nations
Et Maîtresse de la Paix Universelle
Le temps qui passe fait
grandir ta
Gloire, et ta puissance
Irradiera la Terre entière,
Qui célébrera ton Nom.
Union fait force,
Et la bravoure est
taciturne.
Chaque âme, nous
l'accueillons avec
Honneur et tentons de l'
Élever vers ce monde idéal
dont nous
Rêvons tous et dont
Il ne faut plus taire
l'existence...
Europe... Un taureau
blanc... De grands yeux... C'est MOI !
Romantisme SURRÉALISTE
Au pied
d'un chêne
au plumage
doré
J'attends
depuis mille ans
le passage
de l'elfe
Aux yeux de jade
qui fera de moi
un sage
ou un roi
Je sais pourtant
qu'elle ne viendra pas
Mes cheveux et ma barbe
sont d'argent l'arbre
s'est mué en cathédrale
et moi en mendiant
Un château évanescent
au bord d'un fleuve
qui l'est tout autant
Nos vies ne sont que du vent
un bruissement sourd
au fond d'une vallée illusoire
Rien n'a de sens
pas même les quelques mots
qui coulent sur mes joues
La vie est un poème sans fin
et la mort ne soulage rien
Le VOYAGE d'Isabelle
À Isabelle BIELECKI
Le vent des steppes
fait danser les
cheveux d'Isabelle
Les ondes de la
Volga bercent
ses hanches
rend ses yeux
un peu plus bleus
VOYAGE
À Piet LINCKEN
Une route sinueuse
là-bas au loin
caresse une colline
Oubliée des vivants
La solitude est un
refuge éphémère
Car le monde a
vite fait de
nous retrouver
Patricia
Petit
Ange
Tout doux et tendre, je
Rêve qu'
Ici et ailleurs je
Caresse ton âme
Immortelle pour te donner
tout mon
Amour...
CORINNE
Une petite Sirène
en bord de Meuse
rêvait
à son bel Triton
quand elle croisa
le regard
triste et familier
d'un Poète
qu'elle eût voulu
Lycanthrope
la poursuivant
en les nuits de lune pleine
jusques aux matins
tout parfumés
de sueur
et de rosée
***
Chérie
en mon cœur
Ondoyante
en ma chair je te
Regarde
assoupie et rêve des
Interdites
amours des
Naïades
et des sylphes
Nageant
entre Air et
Eau
pour atteindre l'Éther
ORTHOGRAPHE
O déesse de la rectitude
et
Reine des lettres
Tu ressembles au
Héraut qui nous apporte
Oubli
Grâce sagesse et
Repos au coin de l'
Atre éternel dans lequel
se
Purifient nos cœurs et qui
Hisse nos esprits vers l'
Eden que nous espérons
tous.
BIOLOGISTE
Bercé depuis l'enfance par
la Nature
Il (ou elle) la regarde
comme
On regarde un diamant bleu
Le cœur empli d'une joie
Orgasmique que le vent
voudrait
Glacer en un sublime
Instant
Sis hors du
Temps sombre et
Ephémère qu'est la vie.
GÉOGRAPHIE
Grâce aux cartes
Et au savoir immense
qu'elles renferment
Ouranos fils et
Gaïa mère peuvent enfin se
Réunir dans cet
Autre monde qui est le
nôtre
Pour accomplir les
Hautes tâches qu'
Ils avaient à réaliser
Et qu'il nous vaut mieux
ignorer
Un siècle d'histoire pour un alexandrin
Le paradoxe de CLIO
Héritage de nos ancêtres
Issue d'un passé
Somme toute récent
Tu nous contes l'
Oubli qu'
Il nous faut accepter pour
ne pas
Revivre nos
Erreurs passées
Le poète fol
Le poète fol
jette au monde
des mots insensés
que nul ne peut
pénétrer
Comme offre
en parturition
la femme gémissante
un nourrisson
fripé
L'étincelle
Deux regards se croisent
et c'est l'étincelle
Deux corps s'apprivoisent
c'est universel
Pourquoi ai-je décidé de la
revoir ?
Je ne le sais.
Peut-être était-ce la chaleur de
sa peau qui me manquait,
ou
le souvenir du son de sa voix qui
faisait trembler mon cœur...
Pourquoi ai-je décidé de la
revoir ?
Je ne le sais.
Ce que je sais, c'est que nous
sommes à nouveau deux,
et que
l'existence nous semble ainsi
moins pénible à traverser...
DÉSENCHANTÉ
Que d'amours éphémères,
Que de mortels suaires,
Que bien peu de consistance
Dans cette piètre existence.
Un nouvel amour vient de s'envoler
Et pourtant n'en garde que peu de
traces.
Tel est donc le destin de ma
race,
Que de vivre seul dans la piété.
Mon cœur suit toujours le sien
Sous l'anxieux regard des saints.
Je sais que je l'aime encore,
Mais pourquoi toujours être fort
?
Je me retrouve de nouveau seul,
Seul au sein de mon linceul ;
Cette lueur qui brillait en mon
ciel
Est une nouvelle fois devenue
fiel.
Hommage à toi, mon Amour,
Car en mon cœur, pour toujours
Et à jamais, resterai envahi
Par l'image de ton âme ravie !
ROI
Je n'étais que le fou du roi,
À la fois roi des fous,
Et tellement fou de toi
Que je me suis brisé le cou.
J'étais fou, et me voici roi,
Roi d'un empire déchu
D'où je règne sans émoi,
Sans avoir rien aperçu.
Du haut de cet empire,
Tout là-haut dans ma tour,
Je n'entends que tes soupirs
Et m'enfuis sans détours.
J'étais fort, j'étais riche,
Je ne vivais que de rires et de
joies...
Mais dans mon cœur en friche
Étais-je le fou, étais-je le roi
?
En mon for cette éternelle question
Fit battre mon cœur d'inanition,
Inanition de rester sans réponse,
Enchevêtré dans des millions de
ronces.
Mais maintenant que je sais
Que ne suis ni fou ni roi,
Que tout simplement je suis moi,
Oui, maintenant que je sais...
ÉTHER
Nous voici à l'heure de
l'inventaire,
L'heure de plonger tel un
serpentaire,
L'instant où la brume vous
envahit,
Le temps d'abandonner les idées
noires de sa vie.
Rien de plus simple que de
chasser ce cafard,
Il me suffit de penser à ma mie,
Celle qui m'accompagnera durant
mes vies,
Celle qui me sortira de ce
brouillard.
Souvenez-vous que rien n'est
immuable
Et votre existence n'en sera que
plus belle
Car possédant cette foi irréelle
Votre univers s'emplira de fables
!!!
Si vous saviez garder l'esprit
poète,
Votre âme n'en serait qu'à la
fête ;
Vous marcheriez droit malgré la
tempête,
Si vous saviez gagner l'éther du
poète...
Misérable
Sa vie fut bien étrange...
Éclairé par un ange,
Il espérait chaque jour
Et la lumière, et pour
toujours...
Son âme errant dans l'autan
Te contemplait à travers vents :
Il était seul, il était perdu,
Les yeux d'amour éperdus.
Chercheur plein d'espoir,
Condamné parmi ses semblables,
Futile marchand d'ineffable
À l'aube de t'entr'apercevoir,
Celui qui marchait avec les
esprits
S'enfonça à jamais dans l'oubli,
Raillé par l'univers qui
l'entourait,
Poignardé d'avance par le monde
qu'il choisirait...
J'en ai vu tant
Des faux savants
Des faux croyants
Que cela en est désespérant...
Anges parmi les anges
Nous guidons vos pas
Vos mains et vos
esprits
Afin que s'accomplisse
L'ultime volonté
Le grand dessein
Dont nous-mêmes
Ne savons rien...
Guérison de l'Indien
Je t'en prie soulage-moi
Car mon âme sous le poids
De mes faux pas ploie
Je t'en prie libère-moi
De ces démons que sont
L'oppression des souvenirs
Et la honte de délires
Comblant la vie d'inanition
À leur simple évocation
Ma poitrine fait naître
L'Angoisse de l'être
Mon Dieu quelle pression
Pourquoi ne pas croire
Que je sois écrivain
Et vous désespoir
D'un esprit mort de faim
Je vous vois vous fermez les yeux
Et vous plongez plongez
Dans de sombres abysses : le
passé
Tout à coup vous ouvrez les yeux
C'est tout votre corps qui
frissonne
Sans que vous sachiez pourquoi
Vous avez peur ! Peur de quoi ?
De vous de votre propre personne
Vous commencez à analyser
Chaque mot jadis prononcé
Peu d'attention leur fut portée
Mais maintenant ils sont remontés
En votre cœur ils se sont
implantés
L'effroi vous saisit quand vous
repensez
Au sens de ces anodines paroles
Et c'est toute votre confiance
qui s'envole
Des images vous reviennent
Vous souhaitez fuir le plus loin
possible
Pourtant ces codes qui vous
retiennent
Sont à chaque jour passant plus
pénibles
À abandonner Alors vous vous
habituez
Vous vous habituez à sursauter
Au moindre souffle de vent
À chaque son résonnant
Pas après pas votre cerveau rongé
Par le tourment se liquéfie
Mais vous en souriant continuez
À espérer que votre mémoire
s'anesthésie
Soudain vous vous réveillez
Autour de vous les spectres
familiers
Ondoient et vous rassurent
Ce ne fut qu'un rêve, un murmure
Quelques secondes s'écoulent
Et votre soulagement s'écroule
Vous avez pris conscience
De votre nature, votre essence
S'ouvrent alors devant vous
D'immenses horizons
Qui n'avaient germé
Que dans le cœur de quelques
illuminés
Ceux-là même qui réussirent à
s'élever
Bien au-delà de cette grégaire
humanité
Ivre de pleurs de joies et de
lamentations
Mais de tout cela, qu'en
ferez-vous ?
Apologies
for Crimes
Here comes the End of Times
I'll never look into your eyes again
Written Words don't need to be explained
Le temps passe
comme
un caillou
un caillou
que l'on casse
Mon petit ange s'est envolé
Emportant avec lui
Mon cœur
brisé
Des yeux de braise
Un corps de flammes
Une langue de feu
Ce soleil noir
Qui grandit
En mon cœur
Depuis le jour
Où je suis né
La tristesse de Cassandre
Ô Cassandre, je sais ta douleur !
Quel être au monde pourrait
souffrir plus que toi ?
Ton savoir, ta parole ou ton
silence ne sont que torture...
Quoi que tu fasses, où que tu
soies, tes yeux voient ce que nul autre ne peut voir !
Tu écris, et ce que tu écris
prend vie...
Tu penses, et ce que tu penses
devient réalité...
Tu t'es refusée à Apollon,
voilà ton seul malheur, ta seule erreur...
Quelques secondes de douleur ou
de plaisir auraient fait de toi une reine ou encor une déesse !
Oui, car tu aurais dominé le
monde des vivants...
Au lieu de cela, on te moque, te
crache à la figure ou te chasse à coups de pierre loin de tes semblables !
Ah, que les hommes sont cruels...
Sans doute est-ce parce que les
dieux ont voulu les créer à leur image...
Je te vois à présent au bord
d'une rivière.
Même le saumon s'écarte de toi en
disant que l'ours qui l'attend en amont est mort depuis deux mille ans...
Oui, Cassandre, je sais ta
douleur !
On The Road to Glory
Sur la route de la gloire
Je perds une partie de mon âme
à chaque carrefour
Sur la route de la Gloire
Je guéris et reprise mon âme
à chaque croisement
La Dame Blanche
La Dame Blanche
Comme toute femme
Tend les mains
Vers les hommes
Qu'elle aime
Nous voudrions
tous
Les serrer
dans
nos bras
Les couvrir
de
baisers
Là est notre
plus grande
erreur
Chaque femme est un ange
placé sur notre chemin
par la Divinité
Et l'amour se meurt
Sur la taie plissée
D'un oreiller
Des voix venues d'ici et d'ailleurs
troublent ma mémoire
et chantent des chants oubliés
J'ai pu voir la lueur au cœur de la nuit et les
ténèbres briller au jour de grand soleil
Des enfants danser sur les tombes
perdues de notre mémoire
Et le souffle de l'ange se
changer en marbre
Comme une plume en plomb
L'or et le vin qui nous faisaient chanter
Ne sont plus
Qu'excréments et ciguë
Pierres de torpeur
Sur le chemin de notre désolation
Seconde partie
POÈMES
en prose
Tout n'est qu'illusion ;
c'est la croyance en
l'illusion qui détermine ce que l'on nomme réalité.
QUINTESSENCE
Une nouvelle page s'ouvre sur
un nouvel univers.
Tous les écrits précédents sont
en ces lignes condensés. Nous espérons que le lecteur pourra suivre quelque
temps les pérégrinations de notre pensée dont l'unique objectif est la
recherche de plus en plus approfondie de la connaissance, tendant à la
découverte hypothétique d'une certaine sorte de vérité ultime. Comme tous les
artistes véritables, nous avons commencé notre œuvre (et notre quête) au départ
d'une question qui pour certains a pu, peut ou pourra devenir une obsession
destructrice menant droit à la folie. Nous-mêmes avons fait l'expérience d'une
certaine sorte de folie et pouvons affirmer avec une indéniable fierté que
notre intelligence est bien plus puissante que cette forme d'illusion qui
oppressa, oppresse et oppressera (malheureusement) bon nombre d'êtres parmi les
plus ingénieux. Nous gardons également en mémoire que nous pouvons sombrer à
tout moment, quel que soit notre niveau d'attention, en ce que nous
qualifierons de géhenne de l'esprit. Cette question, pour ne pas nous perdre en
digressions, la voici pour vous révélée : "À quoi on sert ?", quatre
mots qui ont l'air bien insignifiants et qui pourtant recèlent en eux tous les
mystères de la Vie.
À vous bien sûr de décider quelle place vous leur accorderez et si vous vous
aventurerez sur ce chemin que nous appellerons tout simplement le chemin de la
connaissance.
Tard dans la nuit
Hier soir,
tard dans la nuit, je suis mort.
C'est une
sensation étrange, l'impression de planer au-dessus de son corps, de visualiser
la chambre dans ses moindres détails, mais d'un point de vue jamais exploré. Au
niveau du cerveau, c'est comme une implosion, un grand clic, et puis on se
retrouve à voler de-ci de-là...
Je peux rendre visite à qui je veux, aller chatouiller les pieds de mes voisins durant leur sommeil. Personne ne me voit, moi-même, je ne me vois pas, je veux dire que je ne me vois plus comme avant, un être fait de chair et de sang. Je me déplace à la vitesse de la pensée, j'explore le monde, puisla Lune , puis l'Univers.
Je peux rendre visite à qui je veux, aller chatouiller les pieds de mes voisins durant leur sommeil. Personne ne me voit, moi-même, je ne me vois pas, je veux dire que je ne me vois plus comme avant, un être fait de chair et de sang. Je me déplace à la vitesse de la pensée, j'explore le monde, puis
Un souffle
me rappelle, m'aspire, et me voici dans cette église, le jour de mon
enterrement. Tous sont là, les larmes aux yeux, pour me rendre un dernier
hommage ; je voudrais leur crier ma présence, en oubliant presque que mes
cordes vocales reposent désormais entre ces quatre planches de bois brun. Une
nouvelle aspiration, et me voilà dans un grand tunnel plein de lumière, ce
fameux tunnel dont ils parlent tous. Pourtant, cette lumière me paraît fade...
Je tourne la tête, à gauche, à droite, et, sur les murs de cette galerie, les
images de ma vie semblent incrustées, fugitives, filant comme un paysage aux
fenêtres d'un train ; je crois que c'est le défilement de ces images qui crée
la lueur, et c'est peut-être pour ça qu'elle me paraît si fade... Quoi qu'il en
soit, le voyage me donne l'impression d'être long, mais probablement n'est-ce
qu'une illusion. Enfin, tout s'arrête, et je me retrouve flottant au cœur d'une
immensité brumeuse. Serait-ce cela, le Paradis ? Une porte surgit devant moi,
une voix caverneuse me parle dans une langue que je ne connais pas.
"Êtes-vous Dieu ?", hasardé-je timidement. Un court silence suivit
d'un grand éclat de rire. Je m'avance vers la porte : les deux battants
s'ouvrent. Je la franchis, et tous mes souvenirs s'effacent, et tout autour de
moi devient noir.
Hier soir, tard dans la nuit, je suis mort.
Hier soir, tard dans la nuit, je suis mort.
OUT OF PARADISE
Nous étions deux,
dans un jardin
luxuriant.
Une pomme,
même pas sucrée,
un peu aigre,
nous en a chassés...
Depuis, Ève m'a quitté pour
refaire sa vie avec un chanteur espagnol, et tous les matins je suis obligé de
me lever à cinq heures pour aller travailler à l'usine, dans les faubourgs de
la ville triste et glauque dans laquelle je vis...
Ma vie n'est plus que douleur, et
lorsque je songe au jardin de mon bonheur, au jardin de mon enfance, des
regrets et une angoisse terrible m'assaillent...
Quelle joie était la mienne
lorsque je pouvais serrer Ève tout contre moi, lorsque nous pouvions nous
baigner dans l'eau de la source de la vie éternelle...
Je sais que je ne retrouverai
jamais ce que j'ai perdu ; Ève le sait aussi, où qu'elle soit...
Nous n'avions qu'un seul interdit
: le fruit de l'Arbre de la Connaissance. Nous y avons goûté, mais l'enfer
que nous vivons, l'avons-nous vraiment mérité ?
Dieu nous a expulsés du Paradis
qu'il avait pour nous construit, nous qui sommes tout de même ses enfants...
Une telle dureté de la part d'un père se justifie-t-elle ? Nous avons péché par
gourmandise, par défi, par curiosité, comme tous les enfants le font un jour ou
l'autre...
Qu'avons-nous
appris de ce fruit ? Nous avons appris à vivre comme se l'imposent tous les
hommes, à remettre notre bonheur au lendemain, en conservant l'illusion qu'il
sera toujours là...
La Dame du Lac
Elle est venue vers moi, la Dame du Lac.
Toute vêtue de blanc, ses pieds
légers sur l'eau flottant.
Un teint pâle, comme il sied à
tout spectre...
Des yeux d'un bleu gris
électrique, qui vous fixent droit dans le cœur.
Un frisson inconnu me parcourt.
Oh, j'en ai croisé des fantômes
dans ma vie, qu'ils soient trépassés depuis mille ans ou toujours de chair et
de sang.
Mais cette fois, c'est différent.
Je la vois tendre les bras, ses
joues rosissent et elle approche ses lèvres des miennes.
Surpris, je me laisse envahir et
lui rends son baiser.
Je n'ai jamais ressenti cela ; ce
doit être ça, un orgasme cosmique, un pont entre moi, vivant, du moins qui
crois l'être, et elle, morte depuis qui sait combien de temps...
Je sens nos deux âmes
s'entrelacer, et je ne sais quelle partie de moi s'en va avec elle lorsqu'elle
tourne les pas pour s'enfoncer dans les eaux froides du lac...
J'attends, depuis ce jour,
son retour.
À moins que ce ne soit à moi de
l'aller rejoindre là-bas, dans les eaux froides du lac ?
ANNA
Anna était assise depuis le début
de l'après-midi et contemplait par la fenêtre cet immeuble qui depuis plus de
vingt ans lui gâchait l'horizon. Quand ils avaient emménagé dans ce luxueux
appartement, il y a trente ans, on pouvait encore apercevoir et la mer, et le
vieux port...
C'était aujourd'hui son
anniversaire et, vers midi, un livreur lui avait apporté un bouquet de fleurs
envoyé par ses deux fils qu'elle n'avait plus vus depuis trois ans et
l'enterrement de Georges, son mari. Tout le monde pensait qu'il était à la tête
d'une fortune plus qu'appréciable, mais, après inventaire, on se rendit compte
que les investissements qu'il avait opérés étaient purement et simplement
désastreux. Par exemple, les actions des deux grandes compagnies nationales de
télécommunications avaient dévalué de près de quatre-vingts pour cent en moins
de dix ans...
Anna, qui n'avait jamais pensé
connaître de problèmes matériels, se demandait en regardant cette résidence ce
qu'elle allait bien pouvoir devenir lorsque les restes de l'héritage seraient
définitivement consommés. Les larmes aux yeux, elle observait les vies
s'étalant nonchalamment devant elle...
La fin de l'été approchait et les
arbres commençaient à se parer des couleurs chatoyantes de l'automne. L'hiver,
certes, était encore loin, mais en l'esprit d'Anna, tout n'était que
dépérissement et désolation...
Elle revoyait par intermittence
les images de son enfance, lorsqu'elle accompagnait sa mère au travail. C'est
grâce à elle qu'elle avait réussi ses études de droit sans devoir se soucier de
ce que ce qui se trouverait en son assiette, le soir, en rentrant. En deux
mots, elle se sentait coupable vis-à-vis de celle qui lui avait sacrifié ses
meilleures années...
Depuis quelques mois, elle
ressentait un vide intérieur qui chaque jour semblait un peu plus s'emparer
d'elle. À quoi donc avait bien pu servir son passage sur cette Terre, que
laisserait-elle derrière elle ? Ses enfants ? Ils ne représentaient plus pour
elle qu'hypocrisie, comme le reste des autres hommes...
Le dimanche, à la grand-messe,
elle écoutait, le regard distrait, le curé psalmodiant comme un automate qu'il
fallait pardonner... Mais pardonner à qui ? Mais pardonner pourquoi ? Elle ne
saurait plus maintenant oublier les avanies subies depuis la cour de maternelle
jusqu'à ce rire sarcastique de la concierge qu'elle s'imaginait entendre à
chaque fois qu'elle ouvrait ou fermait la porte.
Oui, elle était décidée : ce
soir, elle s'endormirait pour la dernière fois !
Et c'est ainsi qu'à côté des
trois boîtes de somnifère vides, elle ne laissa que les austères mots du poète
:
Mais peut-on vivre
vraiment
Déjà mort
inconsciemment ?
"J'ai plus de
souvenirs que si j'avais mille ans"
Charles Baudelaire
J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans
Je me souviens de ma première
nuit.
Je n'avais connu que le jour depuis le trou noir de ma naissance, quelques heures plus tôt.
J'étais terrorisé lorsque le soleil disparut : je pensais que j'allais être condamné à vivre dans cette obscurité profonde dans laquelle mes yeux ne distingueraient rien pour l'éternité.
Je pense avoir prié toute la nuit, bien que je n'eusse jamais entendu parler d'un quelconque dieu...
Au matin, un peu avant l'aube, j'ai entendu les oiseaux chanter, et je pense encore aujourd'hui que même le chant des anges n'égale pas leur talent.
Depuis lors, des milliers de jours et de nuits se sont écoulés, et je sais qu'il m'en reste des millions d'autres à vivre ; et pourtant, je reste persuadé qu'ils seront tous différents...
MUSE
Ce n'est que pour les quelques
instants que je passe dans tes bras que la vie a un sens pour moi. C'est en eux
que je puise la force de continuer à me mêler à la ronde sotte de ce monde.
Derrière la façade inexpressive
que sont mon corps et mon visage, c'est l'étincelle qui brille au fond de tes
yeux qui fait s'allumer au jour nouveau le feu faisant battre mon cœur.
C'est l'odeur de ta peau et les
caresses soyeuses de tes cheveux tout contre la mienne qui seules me consolent
et m'apaisent.
Il me suffit de penser à toi qui,
pourtant si loin de moi toi aussi t'agites et te débats, pour retrouver le
calme d'une mer d'huile juste après la tempête...
Tableau de fin d'automne
À Mireille Wertz
Il est six heures du matin.
Elle ouvre les yeux et, distraite
par le maigre souvenir des songes de la nuit, en oublie presque l'homme qui
dort dans son lit.
Elle tire les tentures en
bâillant.
- Tiens, il a neigé... Tant
mieux, les gosses du quartier me foutront la paix pendant quelques jours !
C'est pas que je ne les aime pas, mais ils pourraient quand même trouver un
autre endroit que la cour d'en bas pour taper dans leur ballon après les cours,
tant est soit peu qu'ils y aillent encore...
Le percolateur crachote dans la
cuisine, Arlequine se faufile et ronronne entre les mollets de Mireille, qui a
maintenant complètement oublié l'homme qui dort dans son lit en se mettant à
chantonner l'air entraînant que la radio lui offre... Toujours le même chant,
ce chant que des millions de voix ont porté jusqu'à ce jour, où se mêlent à la
fois toutes les joies et les peines de millions de vies, leurs amours heureux
et malheureux, où l'on parle de Fleurs et d'Enfer, de celle qui attend et de
celui qu'on attend...
Après les courses, la vaisselle
et le dentiste, un ronflement sourd suivi d'un soupir trouble son attention...
Ce n'est pas Arlequine, qui est sur la table du salon et semble cligner de
l'œil à un être invisible connu d'elle seule... Il se réveille, pense-t-elle
tout à coup...
- Bonjour mon amour, tu as bien
dormi ? Sais-tu qu'il est déjà midi ? Levée depuis longtemps ?
- Pas si longtemps que ça... Une
heure ou deux...
- Sympa cette musique... Ouf,
chaud le café... Tu as vu qu'il avait neigé ?
- Non, je n'ai pas fait
attention... Tu aimes la neige ?
- Oh, ma foi, oui... J'adore
sentir son petit craquement sous mes pieds quand je marche dedans, mais, par
contre, je déteste devoir la bouger de sur la voiture... Bon, c'est pas tout
ça, mais il va falloir que j'y aille... Allez, je t'embrasse !
Il traverse la cuisine, le salon,
ouvre la porte de l'appartement, la lumière se fait dans le couloir...
Pour une fois, elle ose :
- Georges ? (elle dit Georges
comme elle aurait pu dire Jacques ou Martin)
- Oui ? (il répond oui comme s'il
était Georges, Jacques ou Martin)
- Dis-moi, tu reviendras ?
The Sad Queen
In the North of Norway, in a land covered all
the year by a thick snow mantle, a graceful and youthful princess was crying
the death of her prince, speared in a battle versus the troops of the Kingdom of Denmark .
Ten years later, the Sad Queen was still crying
and all the Norwegian people was very worried about her strange behaviour.
She said that a phantom was coming every night,
at midnight, to kiss her voluptuous lips, and she was thinking that it was the
spectre of her beloved lord and master... She had never wanted to remarry, and
she was ruling alone in the old old castle of her resignedness.
On the day of the national holiday, the
spokeswoman of the royal family reported the frightful news which spoiled the celebrations:
the queen hanged herself in a lost chapel of the gloomy area of Lyngsfjellan.
Some people say that, since this day, every night at midnight, some joyful
laughter can be heard in this place...
Les rennes n'ont pas froid aux oreilles
J'ai toujours aimé les rennes.
Enfant, on m'a dit que le
traîneau du Père Noël était tiré par sept de ces charmants animaux, mais je
pensais qu'il s'agissait des sept femmes du roi de Norvège, Sigurd Illigson...
Durant mon adolescence, mon père
m'enseigna tout ce qu'il fallait savoir sur leur élevage, sur l'utilisation des
différentes parties de leur corps, que ce soit pour se vêtir ou pour fabriquer
des hameçons à partir de leurs os...
Aujourd'hui, voilà plus de trente
ans qu'à chaque hiver je dois monter un peu plus vers le Nord pour trouver le
lichen dont ils se nourrissent, et tout le monde pense que je suis fou de
continuer à vivre comme les pères de nos pères qui, depuis la nuit des temps,
accomplissent les mêmes gestes que moi, au lieu d'être bien au chaud dans ces
nouvelles constructions qui ne sont même plus en bois et de regarder cette
boîte à images qu'ils appellent télévision et qui endort leur esprit, tout en
buvant de l'alcool frelaté qui détruit leur santé et condamne leurs âmes à des
tourments bien pires encore.
Ce n'est qu'en leur compagnie que
je me sens heureux, et même ma femme et mes trois fils ne me donnent pas tant
de joie...
Une vieille photo jaunie
Il va mourir dans quelques
secondes.
Son cœur s'est arrêté de battre
il y a plus de trois minutes ; ses pieds et ses mains sont déjà froids ; de la
sueur perle sur son front...
Il voudrait crier la douleur qui
déchire sa poitrine, mais aucun son ne sort de sa bouche devenue trop faible.
Son regard cherche désespérément
quelque chose sur quoi fixer son attention, une bouée de secours...
Sur la table de nuit, un vieux
portrait de famille. Il examine les visages un à un, et se souvient
vaguement...
D'abord, il y a les vieux... Deux
abrutis, je veux dire deux êtres qu'une vie d'esclave a abrutis... Et ils
auraient voulu qu'il fasse pareil ! Il se demande s'il les a jamais aimés. La
réponse négative qu'il n'a jamais osé affirmer ne lui apporte aucun
réconfort...
Son regard glisse à présent sur
les trombines de ses frères et sœurs qu'il n'a plus vus depuis près de trente
ans... Sont-ils seulement encore vivants ?
Il a juste entendu dire qu'une de
ses sœurs, il ne sait plus laquelle, avait été internée après avoir agressé le
gouverneur de la province avec un manche de brosse et un seau d'eau bénite en
hurlant qu'il était possédé par Anamalek, un vieux démon babylonien...
Puis il y a l'aîné, l'homme de la
famille, celui qui a fait l'armée, car, quoi qu'on en dise, c'est bien à
l'armée que l'on devient un homme, ce qui ne veut pas dire qu'il suffise de
porter un uniforme pour en être un.
Quelques enfants sont là, eux
aussi...
Il n'est pas certain d'y voir son
fils, il n'est même plus certain d'en avoir eu un...
Mais lui, où est-il ? Il ne se
reconnaît pas, dans aucune des ombres qu'il entraperçoit. Est-ce vraiment sa
famille ? Non, ce ne peut être qu'une vieille carte postale trouvée sur une
brocante...
Cette chambre et ce lit ne sont
sans doute même pas les siens...
Sa vision se trouble, ses yeux se
ferment ; les visages, sur la photo, semblent lui sourire...
LA HAINE
[Tempête,
éclairs, vent]
LE DÉMON
Ne sous-estimez pas la puissance
de la haine qui m'habite !
Elle vous détruira, tous autant
que vous êtes...
L'ANGE
Certes, elle est capable de nous
détruire tous ; mais, crois-moi, elle te consumera bien avant que d'avoir pu
nous atteindre !
LE DÉMON, sortant
griffes et crocs
Grrrrr...
L'ANGE, sortant son
épée en riant
Bouh !
LE DÉMON
Pitié,
pitié, je vous en prie !
L'ANGE
Non, il est trop tard pour toi...
LE DÉMON
Je brûle, je brûle... Aaah, je
tombe...
Sauvez-moi, Dieu du Ciel !
[Une éclaircie perce les ténèbres, une main de feu s'empare du démon et le dépose, inanimé, à la surface de la Terre]
L'ANGE
Mais enfin, Seigneur, je ne vous
comprends pas...
Nous étions sur le point de
remporter la dernière bataille d'une lutte qui a commencé à l'aube des temps,
et...
DIEU
Je t'interromps tout de suite,
Ange...
Ne sous-estime pas la puissance
de l'amour qui m'habite !
Sans tabou ni cliché
SIGMUND
Décidément, je ne comprendrai
jamais rien aux femmes.
CARL GUSTAV
Pourquoi donc, Maître ? Qu'y
a-t-il de si compliqué avec elles ?
SIGMUND
Ô, pauvre
jeune insouciant ! Si tu savais... Il n'y a jamais vraiment moyen de savoir ce
qu'elles veulent exactement. Quand elles veulent se faire attraper dans les
buissons touffus du fond d'un quelconque jardin, elles disent qu'elles ne le
veulent pas... Et celles qui disent haut et fort qu'elles n'aiment que ça se
révèlent être de prudes saintes nitouches défendant farouchement leur honneur.
CARL GUSTAV
Pensez-vous donc que les hommes
soient si différents concernant ces choses ?
SIGMUND
Tu as raison
sans doute quelque part, fils... Mais, bon... Regarde par exemple la petite
Salomé, qui papillonne d'un homme à l'autre comme une hystérique en pensant que
le fait de ne pas avoir couché avec ce vieux fou de Nietzsche ait eu une
influence bénéfique sur ses productions... L'autre jour encore elle est venue
nous rendre visite, soi-disant pour prendre le thé avec ma fille, mais au bout
d'un quart d'heure, la voilà qui entre dans mon bureau et s'assied devant moi
alors que j'étudiais un cas très intéressant, un drôle de bonhomme avec de
drôles de rêves, des histoires de loups... Enfin passons... Comme je te le
disais, la voilà qui entre, s'assied, me regarde dans le blanc des yeux, puis baisse
la tête en rougissant comme une collégienne, et reste plantée là sans rien dire
toute une heure durant. Ensuite, elle se lève, me salue poliment, et s'en
retourne je ne sais où... Il paraîtrait que cette attitude ait séduit un petit
poète dont on m'a rapporté le nom, que j'ai aussitôt oublié, puisque, de toute
façon, les poètes ne font que passer comme ils passent d'un mot à l'autre sans
trop savoir ni comment ni pourquoi... Ils formeront un couple épatant, n'est-il
pas ?
CARL GUSTAV
Sans nul doute, Maître. Mais
vous-même n'avez-vous jamais pensé...
SIGMUND
Oh, bien sûr que j'y ai pensé...
De toute manière, à quoi d'autre pensons-nous, nous autres hommes, à chaque
fois que nous croisons la route d'une personne du beau sexe, mmh ? C'est la vie
qui veut ça, non ?
CARL GUSTAV
C'est vrai, Maître. Mais à ce
propos, avez-vous des nouvelles de votre charmante cousine ?
SIGMUND
Ma cousine ? Ah, oui... Oui, oui,
bien sûr... Elle est en Italie, je pense, avec son imbécile de mari qui...
CARL GUSTAV [en aparté]
Décidément, je ne comprendrai
jamais rien à ce Sigmund...
LE MIROIR
(Don't give hate a chance...)
Je me souviens d'un soir, un soir
particulier, le soir de ma mort...
Avec mes frères, nous étions
partis, comme tous les samedis, chasser le nègre et incendier quelque infâme
bouge où ils avaient l'habitude de se réunir...
La lune était pleine et blanche,
comme les costumes que nous portions et les chevaux que nous montions.
Près d'un étang, ma monture se
cabra... Ma tête percuta un rocher...
Je perdis connaissance, et me
réveillai dans une mansarde pouilleuse et couverte de fientes de pigeons... Je
me relevai, tentant de reprendre mes esprits et d'analyser la situation. Je me
retournai et me trouvai face à face avec un noir ; instinctivement, je le
saisis à la gorge... Ma main traversa le miroir qui se tenait devant moi ; mon
rire et ma surprise ne furent pas longs. Un miroir... Serait-il possible que ...
? Je regardai mes mains, mes jambes et mes bras : pas de doute, ils étaient
aussi noirs que la nuit sombre et froide qui m'entourait...
Machinalement, j'ouvris la porte,
dévalai l'escalier, totalement hébété...
Dans la rue, un groupe d'une
quinzaine de négrillons fuyait devant deux cavaliers blancs de la tête aux
pieds... Je ne voulais pas fuir : j'étais certain qu'ils allaient me
reconnaître...
- Joe, Harry ! Mes frères...
Ma tête fut tranchée sur le coup
par une des lames effilées qu'ils tenaient à bout de bras...
Oui, c'est bien ainsi, je pense,
que je suis mort...
- Tu as entendu cette histoire,
Harry ?
- Quelle histoire donc, Joe ?
- Il paraît qu'ils ont réussi à
en dresser...
- En dresser ? Comment ça donc ?
- Paraît qu'ils ont réussi à leur
apprendre à écrire (presque sans fautes même), à compter... Y'en aurait même
qui composeraient de la poésie, d'autres qui entreraient à l'Université...
- Oh, tu sais, comme le dit Père
: "Un singe reste un singe, même si c'est un singe savant !"
- Tu as raison. Le combat
continue, il ne fait même que commencer...
- Yeah ! Tiens, c'est étrange...
- Quoi donc ?
- J'ai l'impression, tout à coup,
qu'il me manque quelque chose... Ou quelqu'un...
- Maintenant que tu le dis, moi
aussi. Depuis l'autre nuit... Mais quoi donc ?
Une histoire singulière...
Il m'est arrivé une histoire bien singulière il y a quelques années...
Après une mauvaise chute sur un terrain de sport, je me suis brisé la deuxième phalange de l'annulaire de la main gauche.
Je me suis donc d'abord rendu chez mon médecin traitant, qui m'a envoyé à l'hôpital pour y faire quelques radios... Une fois celles-ci opérées, il apparut que cette fracture était une fracture très complexe, et on m'a conseillé de consulter un spécialiste au sein de ce même hôpital... Après les deux mois d'attente réglementaires avant le précieux rendez-vous, j'ai rencontré le plus éminent orthopédiste de l'hôpital, qui a trouvé le cas très très intéressant, et m'a envoyé chez un de ses confrères encore plus éminent, le plus éminent de la ville ! Qui, à son tour, m'a envoyé chez un confrère encore bien plus éminent, qui, paraît-il, avait été trapéziste volant avant de se tourner vers la chirurgie de la main, ce qui a bien fait rire son assistant, je n'ai pas bien compris pourquoi d'ailleurs, même les médecins ont le droit d'aimer le cirque, non ?
Bref, vous m'avez compris, de fil
en aiguille, je me suis retrouvé dans le (luxueux) cabinet privé d'un médecin
californien qui avait consacré sa vie, comme on me l'avait dit, à l'étude de la
deuxième phalange de l'annulaire de la main, et du traitement du type de
fracture que je présentais...
- Les personnes que vous avez vues avant moi sont des incompétents, et vous ont fait perdre votre temps et votre argent, m'a-t-il dit après avoir vaguement jeté un coup d'œil à mon pauvre doigt meurtri.
- Les personnes que vous avez vues avant moi sont des incompétents, et vous ont fait perdre votre temps et votre argent, m'a-t-il dit après avoir vaguement jeté un coup d'œil à mon pauvre doigt meurtri.
- Oui, ça, je l'avais bien
compris... Mais pourriez-vous faire quelque chose pour ce doigt que je ne peux
plus plier depuis près de trois ans ? Vous pensez qu'il faudra l'amputer comme
le supposait le plus grand spécialiste arménien du métacarpe caucasien du
sud-est de l'Argentine, c'est ça, et vous n'osez pas me le dire, hein, avouez
!!!
- Je ne sais pas, mon pauvre ami,
mais de mon côté, je ne peux rien faire pour vous...
- Que voulez-vous dire ?
- Que voulez-vous dire ?
- Qu'il faut vraiment être
incompétent pour vous envoyer chez moi, alors que tout le monde sait que je
suis le plus grand spécialiste vivant de la deuxième phalange de l'annulaire
de... la main droite !
- Oh, effectivement ! Mais en
tant que plus grand spécialiste bazar machin chose de la main droite, vous
devez bien connaître celui de la main gauche...
- Ah, ah, ah... Vous semblez ne
pas avoir bien compris le fonctionnement de la médecine moderne ! Non, je ne le
connais pas. Vous savez, nous avons très peu de contacts avec les spécialistes
de la deuxième phalange de l'annulaire de la main gauche, et ce depuis la
seconde moitié du XXe siècle... Plus personne ne sait plus trop bien pourquoi,
mais je soutiens que c'est la rencontre désastreuse lors du Congrès de
Salamanque en 1967 qui a tout déclenché. Rendez-vous compte : les spécialistes
de la deuxième phalange de l'annulaire de la main gauche avaient
été placés dans la partie droite de l'hôtel, et bénéficiaient d'une salle de
bain avec baignoire, tandis que les spécialistes de la deuxième phalange de
l'annulaire de la main droite, dont je faisais partie, qui étaient placés dans
la partie gauche de l'hôtel, ne bénéficiaient que d'une salle de bain avec
douche. Après plus de deux cents quarante-trois heures de débats houleux,
réparties sur deux mois et demi, nous ne sommes pas parvenus à un accord, et
depuis ce jour, je n'ai plus adressé la parole, tout comme de nombreux confrères,
à aucun spécialiste de la deuxième phalange de l'annulaire de la main gauche.
Mais si cela peux vous aider, je
peux tout de même vous donner l'adresse de mon cousin de Paris...
- Ah, merveilleux ! Il est spécialiste dans quel domaine ?
- Ah, merveilleux ! Il est spécialiste dans quel domaine ?
- Les merguez marinées grillées
sur feux de bois...
- Je ne comprends pas bien...
- Vous devriez absolument goûter
cela, un bon verre de rosé à la main, lors d'une belle soirée d'été !
Mais il faut, pour que vous me compreniez mieux, savoir qu'un conflit, quelle
tristesse, a scindé notre famille en deux clans farouchement opposés...
- Laissez-moi deviner : entre le
clan de ceux qui prétendent qu'il faut laisser mariner les merguez une nuit et
celui de ceux qui prétendent qu'il faut les laisser mariner un jour et demi ?
- Vous apprenez vite ! Vous auriez pu être médecin... Que faîtes-vous dans la vie, à propos ?
- Moi ? Euh, je suis plombier-zingueur...
- Vous apprenez vite ! Vous auriez pu être médecin... Que faîtes-vous dans la vie, à propos ?
- Moi ? Euh, je suis plombier-zingueur...
- Heureux homme que vous êtes...
Pour le moment, du moins. Car j'ai entendu dire que des tensions au sein de la
profession s'étaient manifestées lors d'un Congrès à Copenhague, et que les
zingueurs menaçaient de faire sécession pour des motifs que...
C'est à ce moment que je me suis levé discrètement, et me suis éclipsé du bureau de notre homme, en refermant avec le plus de délicatesse possible la porte. Je ne sais pas s'il a même remarqué mon départ... Heureusement que le sourire entendu de sa secrétaire m'ait changé les idées...
Et pour mon doigt, me demanderez-vous ? Je suis tout simplement retourné chez mon médecin traitant, pour une otite, cette fois, quelques jours après mon retour... Il a regardé mon doigt en remplissant l'ordonnance d'antibiotiques qu'il me prescrivait. Toujours pas réglé, me demanda-t-il ? Vous auriez du revenir me voir plus tôt... Enfin, bon, dit-il en soupirant... Il saisit mon doigt, le manipule quelques secondes, on entend un petit craquement, me fait un petit pansement, et me dit : "Voilà, dans trois semaine il sera comme neuf !"
Confessions d'un tueur en série
Depuis l'âge de trois ans, c'est
plus fort que moi, il faut qu'à chaque pleine lune je boive le sang d'une jeune
vierge...
Une denrée de plus en plus rare,
croyez-moi, ce qui fait que je dois parfois me contenter de ce que je
trouve !
Comme je n'ai jamais été très
fort en math, je vous laisse le plaisir de calculer le nombre de mes
victimes... Et puis, vous savez bien que, quand on aime, on ne compte pas.
Avant de passer professionnel, comme je le suis maintenant, j'ai commencé à
tuer pour le plaisir, en véritable amateur, et je n'aurais jamais pensé que ma
passion eût pu devenir mon métier... Évidemment, ce statut de professionnel
m'impose une certaine hygiène de vie : par exemple, pas question de passer une
soirée de pleine lune avec des amis... Ma femme me reproche d'ailleurs souvent
de ne penser qu'au boulot... Vous pensez bien qu'il demande beaucoup de
préparation. La plupart des gens que je croise s'imaginent que je ne bosse qu'un
jour ou deux par mois, mais ils ne se rendent pas compte de la somme de travail
à domicile que cela représente...
Il faut d'abord sélectionner une
proie, voir si nos agendas correspondent, trouver une plage horaire, souvent la
nuit...
Une fois ceci fait, il faut faire
preuve d'une grande imagination pour trouver une technique d'abattage
originale, pour que la victime ait pleinement le sentiment de faire partie de
l'œuvre. Ah, si vous voyiez l'étincelle qui pétille au fond de leurs yeux
quand ils comprennent que c'est le grand moment, le moment d'entrer dans la
grande histoire de l'humanité ! Il y en a qui sont si humbles qu'ils me
supplient de les épargner. Je trouve toujours le moyen de leur rendre
confiance, en leur disant que si je les ai choisis, c'est que Dieu lui-même les
a choisis. Et il faut voir leur mine réjouie lorsque je leur tranche la
gorge...
C'est donc ainsi que j'ai compris
bien avant les autres que la mort n'existe pas, car je peux vous assurer, pour
vous réconforter, qu'une fois ma petite besogne accomplie, je les vois tous
repartir comme si de rien n'était, sans jamais savoir qu'ils ne sont plus
vivants...
Le Messie
Un jour, un homme s'éleva d'entre
les hommes.
Tous les regards se portèrent
vers la lueur d'espoir qu'il représentait.
Tous voulurent connaître son
histoire.
De là-haut, il leur délégua des
messagers invisibles, que certains appelèrent anges.
Malheureusement, de par leur
invisibilité, personne ne voulut écouter leur voix.
De là-haut, l'homme pleurait et
se tourmentait de ne pouvoir aider les hommes du royaume d'en bas.
Puis un jour, la lueur se fit en
son esprit et l'apaisa.
Pour sauver les hommes, il devait
se sacrifier, retourner en bas et leur montrer la voie du salut.
Il revint et mourut,
ressuscita et retourna vers le
ciel.
Encore aujourd'hui, la légende se
perpétue...
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Il faisait nuit... Pierre découvrait pour la première fois les rues de son quartier quand celui-ci était plongé dans l'obscurité.
Il avait peur... Son père était
encore rentré saoul du bistrot d'en bas. Ce soir, Pierre avait réussi à fermer
la porte de sa chambre de l'intérieur. Quand il faisait ça, il savait que les
coups seraient destinés à sa mère. Il n'en pouvait plus depuis si longtemps !
À chaque fois, elle lui
promettait qu'ils partiraient le lendemain, quand il serait encore endormi.
Est-ce par manque de courage ou par amour qu'elle acceptait de subir cela
plusieurs fois par mois ? Un peu des deux, sans doute...
Il s'était enfui par la fenêtre,
mais où aller ? Son cœur battait à se rompre... Il ne connaissait personne.
Pour apaiser son cœur, il s'était mis à courir, et il courut, courut... Et plus
il courait, plus les rues se faisaient vides, plus les maisons se faisaient
rares...
Combien de temps cela dura-t-il ?
Une heure, une nuit, toute une vie, quelle importance ?
Quand son corps fut vidé de toutes ses forces, il s'effondra au pied d'un grand chêne et s'endormit...
Il se réveilla au lever du
soleil, marcha un peu, et poussa la grille d'un jardin où quelques pommes
l'attendaient... Un vieillard en fureur sortit de nulle part armé d'un
mousqueton en hurlant : "Mort aux Allemand ! Mort aux enfants des
Allemands qui viennent voler mes pommes depuis quarante ans !"
Pierre se mit à rire, et reprit
son chemin le cœur léger...
Il se décida à rentrer chez lui,
ayant tout oublié... Au pied de leur immeuble, tous les habitants du quartier
étaient assemblés...
- Que se passe-t-il ? Que se
passe-t-il ?
- C'est la dame du cinquième, mon
petit ! Elle a poignardé son mari durant la nuit, lui répondit Mme Henrotay
sans le reconnaître.
Il eut à peine le temps de
croiser le regard de sa mère, menottée et entourée de quatre gendarmes, tout
juste avant de se remettre à courir...
Le grand Wu
Je me promenais seul dans la
forêt.
Les oiseaux chantaient, le soleil
brillait...
Bref, c'était une belle journée
estivale, une des premières de l'année.
Je ne m'en aperçus pas tout de
suite, mais petit à petit un silence de plomb s'était fait tout autour de moi.
Ce fut le craquement d'une
brindille derrière moi qui me fit prendre conscience du danger...
On m'en avait tant parlé depuis
ma plus tendre enfance, mais je n'y avais jamais vraiment cru, je pensais que
ce n'était qu'une invention des vieillards du village pour faire passer le
temps, lorsque celui-ci s'attarde un peu trop au coin de l'âtre de nos
chaumières...
Heureusement, je pus prendre la
fuite en courant droit devant moi, sans me retourner : c'est d'ailleurs la
seule chose à faire si on veut lui survivre !
Oui, mes enfants, c'est ainsi que
j'ai survécu au grand Wu...
Marcel
Ce dimanche, Marcel, l'homme le
plus riche du village, a organisé un banquet. Tout le monde était invité...
Il y avait des poules faisanes,
des cochons rôtis, des pâtés en croûte,... Pour boire, du champagne de 10 ans
d'âge, des vins rouges de Bourgogne, et des blancs alsaciens. Pour le dessert,
une énorme pièce montée nappée de chocolat noir, et du melon... Bref, un vrai
festin ! Et on a dansé jusqu'à trois heures du matin !
- Cré vin dju, Jacquot ! Quelle
fête...
- Tu l'as dit, Hector... Ma que
pourquoi qu'il a fait tout ça ?
- M'enfin Jacquot, c'était pour
célébrationner ses 25 ans de chômage, voyons...
- Cré vin dju ! 25 ans ! Pas
étonnant qu'il soit devenu riche comme le facteur Crésus...
Le rapport Charlemagne
Nous, Gilbert Delcopette de la
Salle d'attente, sous-sergent-chef de la brigade des services secrets pas si
secrets que ça, puisque bon, tout le monde au village sait ce que je fais, et
que, quand j'ai bu, j'aime bien me vanter d'être membre des services secrets
pas si secrets que ça, vous adressons ce rapport, notre Seigneurie, sur un
dénommé Charles Magne, âgé à notre connaissance de seize ans, fils des
infortunés Pépin et Bertrade Magne.
Ce jeune homme, en effet,
présente de graves troubles du comportement depuis de nombreuses années, ce qui
en soi n'est pas bien original, à la différence que ceux-ci semblent
contagieux, ce qui fait de ce jeune homme un agitateur politique potentiel à
surveiller.
Voici les faits : depuis l'âge de
six ans, le susnommé Magne, Charles de son prénom, préfère, à la différence des
enfants normaux, s'asseoir sur une petite chaise de bois, avec une petite table
devant lui, et tracer d'étranges signes, accompagnés ponctuellement de petits
dessins, sur une tablette noire, au lieu de courir dans les champs pour jouer
avec les cochons ou se rouler dans la boue avec ses petits camarades de jeu.
Depuis quatre ans, Charles, qui
avait donc douze ans, a réussi à entraîner de nombreux enfants plus jeunes que
lui dans son délire, à la grande consternation de leurs parents. Depuis trois
mois, il a même apporté d'on ne sait où une tablette noire de plus grande
taille, qu'il appelle, et je le cite, "grand tableau noir", sur
laquelle il écrit des signes étranges eux aussi, vous l'aurez compris, notre
Seigneurie, que les autres bambins semblent prendre un malin plaisir à recopier
frénétiquement sur leur plaquette personnelle.
Pire, ces pratiques ont l'air de
se répandre comme une traînée de poudre, puisque différents foyers de cette
infection ont été recensés jusque sur les hauteurs de La Préalle et Cheratte,
qui se trouvent tout de même à près de cinq kilomètres de notre bon bourg de Herstal,
soit à mi-chemin entre celui-ci et le bout du monde connu, là où règnent en
maître les démons qui gardent les clefs de l'Enfer, et qui nous
transformeraient en statue de sel si nous ne portions sur notre front la croix,
symbole de notre Seigneurie, tracée à la chaux vive.
Il est plus que probable que le
jeune Charles soit possédé par ces mêmes diables, qui, nous le savons depuis
longtemps aux services secrets pas si secrets que ça grâce à nos agents qui, au
péril de leur vie, sont parvenus à s'infiltrer parmi eux, préparent une vaste
offensive contre notre monde. Le jeune Charles, sous leur influence, leur ouvre
sans nul doute la voie en endoctrinant notre belle jeunesse...
Nous vous préconisons donc, notre
Seigneurie, de soumettre Magne à la question et à le mettre sur le bûcher. S'il
survit, c'est qu'il est coupable, et nous le condamnerons à une lourde peine de
travail forcé qui remettra son esprit sur le droit chemin. S'il ne survit pas,
il sera déclaré innocent, et nous le dédommagerons avec générosité, comme à
l'accoutumée...
Ceci clôt donc le rapport que
nous vous adressons, notre Seigneurie.
Bien à vous,
Gilbert Delcopette de la Salle
d'attente
L'idéation en tant qu'ultime manifestation de la vie ?
Quoi de plus insaisissable qu'une
idée, que le cheminement de celle-ci en un esprit ?
Un homme, une nation peuvent
facilement être neutralisés par des entités qui lui sont hostiles...
Mais une idée, qui peut la
saisir, qui peut la cerner ?
Hommes et nations ne sont pas
éternels, tandis qu'une idée, une pensée, aussi insignifiante soit-elle en
apparence, pourra poursuivre sa route, traversant les siècles, interprétée dans
un sens aujourd'hui et ici, puis dans son contraire le lendemain à l'autre bout
du monde, par des hommes ou des nations tout aussi semblables.
Mais quelle est l'origine de
l'idée ? Comment l'arrêter, la contrer, si une entité physique déterminée ou
quelconque ne peut lui être associée ? L'idée, la pensée en elle-même,
constitue-t-elle une menace ? Et pour qui, ou quoi ?
Est-ce l'homme, la nation, ou les
interactions de l'un par rapport à l'autre qui déterminent son apparition dans
l'inconscient collectif d'un peuple ?
Est-ce ce même inconscient
collectif qui s'exprime par son incarnation en l'esprit d'un individu, ou par
la voix désincarnée d'une nation ?
L'idée est-elle à l'origine de la
vie, ou la vie à l'origine de l'idée ? Sont-elles liées l'une à l'autre,
sont-elles simplement des accidents ? Ou des essais de puissances qui nous
dépassent ?
Le vaccin
Un jour, un jeune homme plein d'enthousiasme, dont j'ai oublié le nom, vint me trouver...
Au comble de l'exaltation, il me dit : "Maître, j'ai enfin trouvé, oui, j'ai enfin trouvé la solution, le vaccin contre la connerie humaine, ce que nous cherchons depuis si longtemps !"
Il m'exposa son idée, et, plein de ce même enthousiasme, qui allait s'avérer contagieux, nous décidâmes de la communiquer au monde.
Elle était si simple que nous
nous demandâmes, à l'Assemblée Générale des Nations Unies, comment nous n'y
avions pas pensé plus tôt...
Elle comportait deux phases...
Première phase : Déclencher un
conflit nucléaire généralisé
Seconde phase : Terminer le
travail à la machette ou à la guillotine
... et elle fut approuvée à
l'unanimité générale, sous les applaudissements et les hourras de nombreux
représentants de nombreux pays, qui ne s'imaginaient sans doute pas faire
partie du lot...
Et oui, mon fils, c'est ainsi, et
à ce prix seulement, que tu peux aujourd'hui vivre en paix...
Longtemps, je me suis couché tard
La journée débutait pour moi tous
les jours vers onze heures.
C'est à cette heure-là qu'en
général j'ouvrais les yeux, mais parfois bien plus tard...
Je ne sortais de mon lit que vers
treize heures, et prenais mon petit-déjeuner une demi-heure plus tard.
Après cela, je me reposais un
peu, en attendant le repas de midi, enfin je veux dire le repas de seize
heures...
Après une bonne sieste, je ne
devais me relever que vers dix-neuf heures pour prendre un bon bain, mais pas
trop longtemps, pour ne pas manquer le souper de vingt-trois heures.
La journée pouvait enfin vraiment
commencer, et j'étais heureux de pouvoir me coucher vers minuit pour goûter à
un repos bien mérité...
L'inconnu de la bibliothèque
L'inconnu écrivait. Il était
arrivé dès l'ouverture des portes. Personne ne savait qui il était, ni ce qu'il
était venu faire dans notre salle de lecture. Il avait apporté un cahier de
notes vierge et sa main courait frénétiquement sur le papier depuis près de
deux heures.
Il avait
attiré l'attention de Françoise et Jacqueline, nos deux stagiaires.
- Il est mignon, non ?
- Je trouve qu'il est trop bien
habillé pour être honnête...
Je me souviens que c'est moi qui
avais enregistré son inscription : Abel Cahain, rue du Paradis, 7... Encore un
original, m'étais-je dit ! Ce qui me surprit plus, c'est qu'il me tendit un
billet de deux cents euros pour régler la cotisation annuelle (nos excentriques
habituels étant généralement sans le sous).
Je pris ma pause, juste le temps
d'avaler un croissant et un café, et quand je revins à mon poste, l'inconnu
avait disparu. Personne n'avait pourtant remarqué son départ, chose rare car
toute entrée ou sortie est méticuleusement encodée dans notre ordinateur.
À l'endroit même où il était
assis, un livre relié de cuir reposait. En lettres d'or, un titre, sans mention
de nom d'auteur : "L'Apparition des Anges".
Ce livre, entièrement manuscrit,
qui se trouve encore aujourd'hui dans nos collections, n'a jamais été emprunté
et aucun d'entre nous n'a osé, ne fut-ce qu'une fois, l'ouvrir...
Soirée à Ostrava
La nuit tombait. J'avais passé l'après-midi dans les bois d'Ostrava, et le froid engourdissait mes doigts.
J'étais heureux d'arriver enfin à
la gare, où je pourrais me réchauffer quelque peu. Pas de chance, le dernier
train pour Prague était parti un quart d'heure plus tôt. Allais-je devoir
passer la nuit dans ce sinistre endroit ? (J'avais laissé ma carte de crédit à
l'hôtel, et j'avais à peine de quoi m'offrir un café...)
Après réflexion, je me résolus à
tenter ma chance le pouce levé. J'étais loin d'être un expert dans ce domaine,
et, lorsque les dix premiers véhicules me passèrent sous le nez sans même
ralentir, je me demandai si ma technique était au point. Heureusement, le
onzième fut le bon.
- Alors, collègue, le monde est
petit, pas vrai ?
C'était John, un touriste
américain, qui occupait une chambre voisine de la mienne, et qui jouait du
saxophone entre deux et quatre heures toutes les nuits. Même avec des bouchons
de cire dans les oreilles, impossible de dormir...
- Je viens d'assister à un
concert dans une boîte de jazz. Ah, Astranova est une ville charmante.
- Ostrava, répliquai-je.
- Ah, oui, Osterbrava... Je ne
l'oublierai plus. Vous semblez épuisé, mon cher ami. Dormez-vous bien ?
Je faillis me mordre la langue,
mais je ne me sentais pas de taille à affronter cet homme, et parvins à
détourner la conversation sur l'industrie de la région.
Une fois rentrés à l'hôtel, nous
nous séparâmes amicalement. Je regagnai ma chambre, allai me coucher sans même
me brosser les dents, et plongeai en un sommeil profond. Jusqu'à deux heures du
matin...
Une vendetta
Ce
texte est une "suite" à la nouvelle du même titre de Guy de
Maupassant, publiée dans le recueil "Contes du Jour et de la Nuit".
Résumé
: Une vieille dame corse décide, pour venger la mort de son fils, de dresser
son chien à tuer son meurtrier… La nouvelle se termine par la mort de celui-ci.
Le lendemain, lorsqu'elle
s'éveilla au point du jour, Sémillante avait disparu. Comme pour son fils, la
vieille ne pleura point. Elle scruta cependant l'horizon du fond de son jardin
trois jours durant, puis ne pensa plus à l'animal.
Huit mois plus tard, elle croisa
le facteur, qui ne passait à cette époque qu'une fois par quinzaine, en
revenant du puits.
- Vous avez entendu, madame
Saverini, la bête a encore frappé samedi dernier. Trois fois, près d'Alghero...
- Non, je ne sais rien de ce dont
tu me parles...
- C'est vrai que vous ne lisez
pas le journal. Tenez, vous pouvez le garder...
Il lui tendit un des derniers
exemplaires de "L'Écho du Maquis", le seul quotidien officiel de
l'île.
Une fois rentrée chez elle, elle
chaussa ses vieilles bésicles qu'elle conservait précautionneusement dans sa
boîte à couture. Elle réussit avec difficulté à déchiffrer l'article qui
l'intéressait (elle avait appris à lire, mais il y a si longtemps...) : depuis
plus de six mois, un mystérieux animal, probablement un loup vu les différentes
traces de morsures, terrorisait le nord de la Sardaigne. Trente-deux victimes
recensées depuis un pauvre menuisier de Longosardo, soit plus d'une par
semaine.
Le sang de la veuve ne fit qu'un
tour. En moins d'un instant, les derniers mois de la vie de Sémillante
défilèrent devant ses yeux. Elle devait s'être dissimulée la nuit de sa
disparition dans la cale d'un petit chalutier, et ainsi gagner les côtes
sardes. Tout le monde sait qu'un animal ayant goûté au sang humain ne sera
jamais rassasié que dans la mort. Sémillante était devenue un monstre, et
c'était elle, la vieille, qui l'avait créé.
Et c'est les yeux pour la
première fois emplis de buée qu'elle implora les cieux en s'écriant :
- Ô vendetta, terrible vendetta,
tu me rends aujourd'hui plus amère même que la perte de mon petit !
RÊVE d'ÉCLUSIER
Je ne la connaissais pas. Mon
frère me dit seulement qu'elle était belle, grande et blonde : c'est ainsi que
je la reconnus au premier coup d'œil, bien qu'il fît nuit.
Une péniche, en effet, remontait
le fleuve, tous feux éteints, avec un bruit de soie froissée. Comme à son
habitude, elle se tenait à la proue, les bras croisés. Elle, c'était la fille
d'Oscar, le batelier... Je ne l'avais jamais vue, et je crus avoir face à moi
un spectre sorti tout droit des royaumes célestes.
Je fus vite ramené à la réalité
par la voix caverneuse d'Oscar : "Alors, gamin ! Cette écluse, c'est pour
aujourd'hui ou pour demain ?"
C'est pour cette raison que je me
surpris à guetter à chaque heure du jour et de la nuit un nouveau passage de
cet onirique cortège.
Ma patience et ma ténacité furent
récompensées quelques mois plus tard, par une froide soirée automnale.
Comme la première fois, elle se
tenait à l'avant du chaland ; mais son regard de braise croisa le mien. Et,
sans être vue du déjà vieux marinier, elle me lança un simple billet que je
m'empressai de déplier.
Il était libellé comme suit :
"Si tu désires garder un souvenir impérissable de moi, rendez-vous au
numéro cinq de la rue du Canal, appartement 8, dans la soirée du neuf."
Le cœur empli d'excitation, je me
rendis donc au jour fixé dans cette vieille masure de la rue du Canal avec
l'espoir fou de l'y retrouver.
Mais, à peine entré dans le
studio, je sus qu'elle ne viendrait pas : au pied d'un énorme crucifix reposait
une modeste photo d'elle, accompagnée d'une rose blanche...
Visions nocturnes
Monsieur Blanc a encore fait
appel à moi ce soir, et je jette un regard derrière moi, vers l'autre bout du
couloir. J'ai laissé la lumière de la cuisine allumée. C'est une vieille maison
vide depuis que la patronne est morte. Tout avait commencé il y a près de vingt
ans, avec la fermeture de l'usine. La clouterie Blanc, créée par
l'arrière-grand-père de Monsieur, avait acquis une réputation qui avait même
franchi les frontières du pays; mais, du jour au lendemain, elle dut se séparer
de ses trente travailleurs, dont je faisais partie. C'était la crise, les
matières premières étaient trop chères, manque de rentabilité, etc. M. Blanc
fit tout ce qu'il put pour que les ouvriers retrouvent un emploi, et il faut
lui rendre hommage pour cela, car il aurait fort bien pu, comme tant d'autres,
se débarrasser tout simplement de nous. C'est de cette manière qu'il me proposa
le poste de concierge de cette grande maison...
C'est madame Blanc, née Renier,
qui, la première, me fit part des troubles de Monsieur. Il lui arrivait, me
dit-elle, de, deux à trois fois par mois, s'enfermer dans la salle de bains et
de parler seul durant des heures. Il racontait que c'était le spectre de son
père qui venait le visiter pour le punir d'avoir causé la perte de l'honneur
familial. Heureusement, avec le temps, les crises s'apaisèrent jusqu'à
disparaître complètement. Ce n'est que six mois après le décès de Madame qu'il
m'appela en pleine nuit pour la première fois. Il était trempé de sueur, les
yeux exorbités, tremblant de tout son long. "Elle est revenue, elle aussi
!", hurlait-il en me montrant le mur immaculé de la chambre à coucher.
"Elle tient un petit bébé dans les bras !" (Il faut dire que Monsieur
et Madame n'étaient jamais parvenus à avoir d'enfants...)
C'est ainsi que je me retourne à
nouveau vers ce couloir, qui me semble aujourd'hui être un passage entre morts
et vivants dont je serais le nocher...
ANDROGYNE
[Part I]
Si j'étais un homme
Si j'étais une femme
Quelle importance
En somme ?
J'aimerais être les deux à la
fois
Pour ne plus avoir
À courir comme un fou
De par le monde
Pour trouver
Cette moitié
Qui me rejettera au loin
Un jour ou l'autre
Comme Philémon et Baucis
Je voudrais être fondu en un seul
corps
Pour trouver enfin
L'amour et la paix
[Part II]
Maintenant que je ne suis plus ni
homme ni femme, que je suis enfin redevenu un, que j'ai atteint la perfection
aux yeux de certains, le goût et la saveur de la peau de l'autre, je veux dire
de celle ou celui, je ne sais plus, qui me semblait si différent(e) me
manque...
Les rares instants de bonheur
fulgurant après des siècles de souffrance relèguent le calme qui habite mon âme
aux oubliettes. Cette paix n'est plus pour moi qu'une longue mélancolie.
On s'habitue à tout, cette
sensation d'orgasme permanent s'atténue avec le temps, comme l'oreille oublie
d'entendre le son de la voix du muezzin qui chante depuis 1 300 ans au sommet
de ce minaret que plus personne ne voit.
Et oui, même le bonheur et la
perfection nous lassent... Ainsi doit être le destin de l'Homme, de ne pouvoir
jamais être heureux qu'une infime partie de sa vie, le reste étant partagé
entre le calvaire, l'indifférence et la folie...
[Part III]
J'ai maintenant appris à changer
d'apparence à volonté, en quelques mois au début, en quelques heures
aujourd'hui ; en quelques secondes demain sans doute...
Je rentre dans un bar, je suis
homme ; j'en sors femme avec trois mâles pendus à mon cou.
Je multiplie les partenaires,
j'essaie tout ce qui est possible et imaginable en ce domaine... La lassitude,
pourtant, est toujours là ! J'ai besoin d'amour, on ne m'en offre que
l'illusion, ou un peu d'argent à l'occasion.
Je ne veux plus être un homme, je
voudrais à présent être un ange !
Les esclaves modernes
"À la chaîne
On t'enchaîne
Ta vie et tes amours
N'ont aucun
recours"
Les Bateliers de la Volga
Le plus grand génie de la
civilisation occidentalo-capitaliste est sans nul doute celui d'avoir réussi à
faire accroire à ses esclaves qu'ils sont libres ; libres de pensée, libres de
mouvements, etc.
Nous sommes tous les esclaves
d'un monde et d'une existence vide de sens.
Combien d'hommes arriveront à
prendre pleine conscience de cette condition d'esclave, et parmi ceux-ci
combien seront capables de lutter, de nager à contre-courant, ou de survivre
tout simplement ? La machine savait le combat perdu d'avance, car que pourrait
faire une voix perdue dans la multitude ? Continuer à crier serait ridicule
pour un être assez subtil pour en arriver à cette conclusion (sauf peut-être
par désespoir ou folie), prendre les armes contre un ennemi invisible encore
plus...
L'homme s'est aliéné lui-même en
acceptant de se réduire à un rouage condamné à n'exécuter qu'une seule tâche,
répétitive, non-créative, et, pire, sans avoir aucune vision de l'utilité et de
la finalité de celle-ci.
E = mc²
La pensée est la plus puissante des énergies que l'on puisse maîtriser, et non la matière comme l'on tend trop souvent à le croire, puisque la pensée est capable de moduler la matière.
Reste donc à nos amis théoriciens
ambitieux à (re)formuler ce postulat on ne peut plus simpliste en une belle
équation qui fera de l'un d'eux la figure intellectuelle de proue du XXIe
siècle dans l'esprit (et les manuels scolaires) des générations appelées à nous
succéder.
Ceci tout en ne leur rappelant
évidemment pas qu'une belle équation ou un beau raisonnement sont les meilleurs
moyens dont nous disposions pour prouver toute l'ignorance qui nous habite...
Le poète se nourrit de tout ce qui l'entoure, des mets
les plus fins aux plus grossiers, des arbres en fleurs aux combats de sang, de
son quotidien comme de ses rêves oubliés... Il sait apprécier les mots les plus
simples tout comme les plus savants, sans préférer les uns aux autres. Tout est
pour lui est inspiration, et rien ne peut venir troubler la quiétude de ses
nuits d'amour ou de solitude...
Dieu avait tout un monde à bâtir, sa plus grosse
commande depuis bien longtemps.
Il jeta le premier brouillon
après avoir œuvré durant six longues journées en soupirant.
Les êtres qu'Il avait imaginé
placer à sa surface en déduisirent qu'il était parfait et qu'Il s'était reposé
lors de la septième, satisfait du devoir accompli...
Et c'est ce qu'ils écrivirent
avec les quelques signes qu'ils trouvèrent épars sur de vieilles
tablettes de bois, d'argile et de métal, en pensant qu'il s'agissait de lois
qu'il fallait respecter à la lettre...
Un jour, mon vieux
maître prit la parole, et dit : "Voyez-vous, fils, ils
disent tous que ce que j'écris, ils pourraient l'écrire aussi... Et bien qu'ils
en fassent autant, leur réponds-je, ce qui semble les amuser moins... Ils
disent tous que ce que j'écris est vide de sens, et pourtant ils courent
acheter mes livres dès leur sortie, uniquement pour trouver quel passage
est le plus vide de sens tout en guettant avidement la première faute
d'orthographe ou de ponctuation, voire bien mieux encore, une quelconque faute
de logique ou un passage un peu trop paradoxal au goût de leur intellect,
évidemment... Ils disent que ce que j'écris ne les intéresse et ne les concerne
pas, mais ne sont-ils pas tout heureux de replacer dans une de leurs
conversations une de mes idées cuisinée à leur sauce et être fier de voir
l'effet que celle-ci produit sur l'assemblée ? Bref, vous voyez, quoi qu'ils
pensent de ce que nous écrivons, ils finissent toujours par le lire, et,
ce faisant, par renforcer notre position..."
Et toi, ami lecteur, qui a réussi
d'une manière qui m'est totalement incompréhensible à parvenir jusques à ces
lignes, es-tu conscient de tout ce que tu nous apportes ?
Ils t'apporteront tout ce dont un homme peut rêver,
une riche maison, une belle situation, une femme douce et aimante, un travail
épanouissant, le succès même peut-être si tel est ton désir, mon fils, de
belles voitures, ou que sais-je d'autre encore...
Mais n'oublie jamais, fils, que
pour tout ce qu'ils t'offriront tu leur seras redevable tout le reste de ta
vie, et imagine quels seront ta détresse et ton désespoir quand ils viendront
pour la première fois te demander de leur rendre de menus services que tu ne
pourras leur refuser...
Mon Maître
Je me souviens du jour où j'ai
rencontré mon Maître...
Nous étions mille deux cents dans
un amphithéâtre pour l'écouter.
Il est arrivé complètement saoul
sur la scène, avec plus d'une demi-heure de retard sur l'horaire annoncé, mon
Maître... Les trois-quarts de l'assemblée s'en sont allés, profondément
outrés...
Cinq minutes plus tard, il a
parlé, mon Maître... Il a dit qu'il allait divorcer, mon Maître, pour aller
vivre au sommet d'une montagne en compagnie de... son chauffeur ! Ils
s'aimaient depuis si longtemps, a-t-il dit, mon Maître... L'assemblée s'est
alors réduite une nouvelle fois de moitié...
Il a alors parlé de grands sages,
mon Maître. Il a parlé du dalaï-lama qui préparait un attentat contre le
Vatican depuis plus de trente ans, et de Gandhi, cet assassin, qui, par sa
soi-disant non-violence, avait envoyé à la mort plus de trois cents mille
pauvres petits Indiens innocents... Tous les avocats de la salle nous ont alors
quitté d'un bloc, accompagnés qu'ils étaient de quelques bonzes au crâne
rasé...
Il a continué, mon Maître, en
disant que l'Allemagne avait gagné en 45, que les camps de concentration
n'avaient pas existé, et qu'Hitler n'était pas mort, qu'il était sur l'Île avec
Elvis et Bruce Lee... Il a dit aussi qu'il n'était pas Juif, Jésus, que c'était
un véritable Aryen de pure souche... Les quelques bonnes sœurs et les derniers
survivants de l'assemblée, dont la famille von Gutzmann au grand complet,
installée en Argentine depuis près de 66 ans, s'en sont allés en criant au
scandale, me laissant seul face au Maître...
Il m'a alors regardé dans le
blanc des yeux, mon Maître, et m'a dit, en retrouvant toute sa sobriété et son
normal parler : "Nous allons enfin pouvoir commencer à travailler
sérieusement !"
Les derniers mots du Prophète
Ah, je les vois déjà, tous ces
cinglés qui voudront suivre mes pas ou diffuser ma parole par-delà les mers et
les monts, dans des pays dont je ne connais même pas le nom...
Non, mais, regardez-les donc par
la fenêtre ; ils sont là, quelques centaines, quelques milliers peut-être, à
s'être amassés en espérant un signe de ma part... Même pas moyen de crever en
paix !
Certains voudront écrire ma vie,
d'autres penseront que visiter tous les lieux que j'ai visités les rendront
plus sages ou plus humains... Ils sont tellement fous qu'ils voudront sans
doute bâtir des cités, des cathédrales ou que sais-je d'autre non loin
d'un quelconque arbre contre lequel j'aurais uriné il y a plus de vingt ans, en
voyant cela comme un signe du ciel...
J'ai tout fait pour les chasser ;
je leur ai crié les pires insanités, je leur ai craché à la figure, je les ai
menacés avec une hache, je leur ai dit que s'ils continuaient ainsi, les
foudres du ciel s'abattraient sur eux... Rien n'y fit, ils devinrent même de
plus en plus nombreux à vouloir me pister comme un vulgaire gibier. J'ai alors
fait semblant de ne plus ni les voir ni les entendre... Il fallait les voir se
prosterner devant moi comme devant un fantôme, entrer en transe quand je leur
adressais un simple sourire...
"Les chemins qui mènent à
Dieu sont différents pour chacun d'entre nous...", voilà l'épitaphe que je
voudrais voir gravée dans le marbre, en priant pour qu'ils ne viennent
pas fleurir ma tombe pendant quinze mille ans...