dimanche 2 mai 2010

Une vendetta

Ce texte est une "suite" à la nouvelle du même titre de Guy de Maupassant (lien : http://athena.unige.ch/athena/maupassant/maupassant_vendetta.html)

Le lendemain, lorsqu'elle s'éveilla au point du jour, Sémillante avait disparu. Comme pour son fils, la vieille ne pleura point. Elle scruta cependant l'horizon du fond de son jardin trois jours durant, puis ne pensa plus à l'animal.
Huit mois plus tard, elle croisa le facteur, qui ne passait à cette époque qu'une fois par quinzaine, en revenant du puits.
- Vous avez entendu, madame Saverini, la bête a encore frappé samedi dernier. Trois fois, près d'Alghero...
- Non, je ne sais de ce dont tu me parles...
- C'est vrai que vous ne lisez pas le journal. Tenez, vous pouvez le garder...
Il lui tendit un des derniers exemplaires de "L'Écho du Maquis", le seul quotidien officiel de l'île.
Une fois rentrée chez elle, elle chaussa ses vieilles bésicles qu'elle conservait précautionneusement dans sa boîte à couture. Elle réussit avec difficulté à déchiffrer l'article qui l'intéressait (elle avait appris à lire, mais il y a si longtemps...) : depuis plus de six mois, un mystérieux animal, probablement un loup vu les différentes traces de morsures, terrorisait le nord de la Sardaigne. Trente-deux victimes recensées depuis un pauvre menuisier de Longosardo, soit plus d'une par semaine.
Le sang de la veuve ne fit qu'un tour. En moins d'un instant, les derniers mois de la vie de Sémillante défilèrent devant ses yeux. Elle devait s'être dissimulée la nuit de sa disparition dans la cale d'un petit chalutier, et ainsi gagner les côtes sardes. Tout le monde sait qu'un animal ayant goûté au sang humain ne sera jamais rassasié que dans la mort. Sémillante était devenue un monstre, et c'était elle, la vieille, qui l'avait créé.
Et c'est les yeux pour la première fois emplis de buée qu'elle implora les cieux en s'écriant :
- Ô vendetta, terrible vendetta, tu me rends aujourd'hui plus amère même que la perte de mon petit !
 

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