vendredi 8 janvier 2010

Hölderlin - Novalis : deux destins, un même chemin

Ce travail a été présenté et défendu devant le Jury de l'Institut de Formation Continuée Jonfosse (Liège) en juin 2009.


Hölderlin - Novalis : deux destins, un même chemin

 
Introduction

La poésie est intemporelle et universelle.

À travers les époques, quels que soient les langues, les états, les nations ou les continents, un même chant semble sourdre de la voix (et des textes) des poètes.

Le but premier de ce travail est de faire découvrir au lecteur l'univers de deux poètes allemands de la fin du XVIIIe siècle, relativement peu connus des non-initiés, et, à travers eux, de tenter d'entrouvrir pour lui les portes du mystère infini de la poésie.

En tant que poète, nous sommes bien placé pour dire qu'il est très difficile, voire impossible, de partager les sentiments qui nous habitent lors du processus créatif, notre rôle se limitant donc, la plupart du temps, à poser sur la table de l'éternité les mots dictés par ce que nous oserons appeler une puissance supérieure, sans jamais avoir l'arrogance de prétendre détenir une quelconque sorte de vérité ultime.

Ces quelques pages vous sont donc destinées, cher lecteur, et nous espérons qu'elles vous permettront de vous plonger, l'espace de quelques instants, dans un monde différent de celui que vous côtoyez habituellement et de vivre, à travers la magie des mots, la grande aventure que vécurent deux hommes, parmi tant d'autres, qui osèrent se laisser guider par le souffle de la création artistique naissant comme par miracle et sans explication rationnelle au plus profond d'eux-mêmes.

Vous trouverez dans le premier chapitre de courtes définitions de la poésie, du préromantisme et du romantisme. Dans les deux chapitres suivants, qui constituent le corps véritable de notre travail, seront abordées les vies et œuvres de Novalis et Hölderlin.



Chapitre 1 : Quelques notions préliminaires

1.1  La poésie

Donner une définition de la poésie est une tâche ardue. Nombre de poètes et écrivains se sont essayés, selon leur sensibilité, leur conception de la vie, leurs idéaux politiques ou philosophiques, à théoriser cet art ancestral.

De nos jours, beaucoup d'analystes littéraires sont tentés de dire qu'il n'y a plus que les poètes à se comprendre entre eux. Cela n'est pas faux, et le défi des poètes du XXIe siècle sera sans nul doute de rendre la poésie accessible à un plus large public.

Nous en donnerons donc ici une définition toute personnelle : la poésie est l'art de suggérer par la seule force des mots et de leur silence les émotions les plus vastes et les plus variées.

Définir le rôle du poète au sein de la société est un travail non moins ardu, tant le poète souffre de cette image (fausse, la plupart du temps) de rêveur insouciant et niais. Mais où donc ailleurs que dans le rêve pourrions-nous trouver la force d'affronter la vie, la force de tenter de construire un monde ayant un sens autre que le néant le plus absolu auquel voudraient nous enchaîner nombre de désespérés de tout poils ?

"Tous vous tendent leurs pièges, savants, politiciens, banquiers ; les pièges où eux-mêmes sont pris. Le poète vous tend sa bouée, et s'il le peut, sa main." (1)


1.2 Le préromantisme

Le préromantisme est la période de l'histoire littéraire et artistique qui a précédé et préparé le romantisme.

Les historiens littéraires ont inventé ce terme au début du XXe siècle pour définir ceux qu'ils considéraient comme les précurseurs du mouvement romantique, c'est-à-dire tous ceux et celles qui tentèrent au travers de leurs écrits de dénoncer l'intellectualisation excessive régnant au sein non seulement de la communauté des gens de lettres, mais aussi de la société en général.

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) est considéré comme son chef de file.

Hölderlin lui a d'ailleurs consacré une ode dont voici un extrait, qui exprime bien la solitude dans laquelle, selon lui, la plupart des grands hommes (ou considérés comme tels) sont condamnés à vivre :

"Seul un morne silence autour de toi, pauvre homme,
Et tu poursuis, pareil aux morts sans sépulture,
Ta marche errante, et tu cherches le repos et personne
Ne te sait dire ton chemin." (2)

En Allemagne, il est représenté entre 1770 et 1790 par le mouvement Sturm und Drang (tempête et passion), qui doit son nom au titre d'une tragédie de Friedrich Maximilian von Klinger. Parmi ses principaux membres, citons les jeunes Goethe et Schiller.


1.3 Le romantisme

Le romantisme est un mouvement intellectuel né vers la fin du XVIIIe siècle en Europe qui accorde plus d'importance aux sentiments et à l'imagination qu'à la pure raison et l'analyse critique, qui étaient les valeurs prônées par le classicisme, par le siècle des Lumières.

Esquissé par le préromantisme, il s'applique à toutes les couches de l'art, de la littérature à la musique en passant par la peinture, la danse, l'architecture ou la sculpture. Nous ne nous arrêterons ici que sur le domaine littéraire.

Il est d'abord apparu en Grande-Bretagne et en Allemagne, avant d'être diffusé progressivement au reste du continent.

En Allemagne, on recense généralement deux écoles : celle de Iéna, dont faisaient partie Novalis, Tieck et les frères Schlegel, influencée directement par l'idéalisme de Fichte, et celle de Heidelberg, dont les principaux représentants étaient Brentano, Arnim et les frères Grimm.

En France, les modèles du romantisme furent Chateaubriand et Mme de Staël, mais il fallut attendre les années 1820 pour voir le mouvement prendre son véritable essor, avec Hugo, Lamartine, Balzac, Mérimée, Stendhal, Sand, Nerval et bien d'autres écrivains du XIXe siècle.

Ses caractéristiques principales sont l'individualisme, le culte des sentiments, des passions et, surtout, un retour aux textes du Moyen Âge chrétien, aux textes du terroir véritable des auteurs. La nature y tient également un rôle majeur et y prend la place autrefois destinée aux dieux de l'antiquité ou à Dieu.



Chapitre 2 : Biographies

2.1 Biographie de Hölderlin 

2.1.1 Son enfance

Johann Christian Friedrich Hölderlin naît le 20 mars 1770 à Lauffen, sur le Neckar (région Souabe, Allemagne méridionale), la même année que Hegel et Beethoven, sept mois après Napoléon Bonaparte...

De son père, qui mourra deux ans plus tard, on sait peu de choses, si ce n'est qu'il fut administrateur du séminaire protestant de Lauffen et licencié en droit. Sa mère, Johanna Christiana Heyn, qui lui donnera ses deux premiers prénoms, était la descendante d'une lignée de pasteurs. Ils se sont mariés en 1776 : il avait 29 ans, elle 18.

Sa première soeur, Johanna Christiana Friderica, née le 7 avril 1771 décédera à quatre ans et demi.

Le 15 juillet 1772 naîtra sa seconde soeur, Eleonora Heinrike, dite "Rike", dix jours à peine après la mort du père.

Le 10 octobre 1774, la mère se remarie avec Johann Christoph Gok, négociant en vins, et la famille s'installe à Nürtingen, dont Gok deviendra le maire. De cette union, ne survivra qu'un seul fils (sur quatre naissances), Karl, qui sera donc le demi-frère de Hölderlin, et qui publiera plus tard un ouvrage sur la vigne et la conservation du vin.

En 1779, un nouveau drame vient endeuiller la famille : Johann Gok, auquel Hölderlin était très attaché, et qui représentait la seule présence masculine de son entourage, contracte une pneumonie lors d'une crue du Neckar et meurt à tout juste trente ans. En l'espace de dix ans, le jeune enfant sera donc confronté à la mort plus que de coutume.

2.1.2 Ses études

À six ans, on l'envoie à l'école de Nürtingen, réputée pour le latin et le grec. Ce sera son premier contact avec le monde antique.

Cinq ans plus tard, il passe un examen qui lui permet d'entrer au petit séminaire de Denkendorf, sa mère le prédestinant à une carrière religieuse.

Il réussit ensuite le concours lui ouvrant les portes du séminaire de Maulbronn, où la vie est austère et sans grands divertissements (la lecture de romans était proscrite et susceptible d'emprisonnement, même s'ils étaient lus en dehors des murs de l'établissement...).

À dix-huit ans, il reçoit une bourse qui lui permet d'entrer au célèbre Stift de Tübingen pour étudier la théologie luthérienne, en même temps que Hegel, deux ans avant Schelling. Il réussit ses études et reçoit, en juin 1793, le diplôme lui permettant d'exercer la fonction de pasteur.

C'est à cette époque que la vocation poétique de Hölderlin prendra l'ascendant sur la destinée toute tracée par le milieu familial (il commence à rédiger la première version de son roman Hypérion en 1792). Sa mère, qui tient les cordons de la bourse, lui reprochera tant et plus ce choix peu sérieux. Le seul compromis possible s'offrant aux jeunes gens désireux d'échapper à une nomination pastorale est de prendre la fonction de précepteur : ce sera aussi le choix de Hölderlin.

2.1.3 Waltershausen, Iéna

C'est le début de la vie d'adulte de notre poète qui débute, avec son cortège inévitable de déceptions et de désillusions. Hölderlin décide de braver l'interdit et de vivre de sa plume et de la poésie. Il déchantera vite et comprendra que le roman est le seul moyen de se faire un nom ailleurs que dans les salons littéraires, qu'il fréquente du reste peu.

Au grand soulagement de sa mère, il accepte donc un poste de précepteur dans la famille von Kalb, pour s'occuper de l'éducation du petit Fritz, sur la recommandation de Schiller, qui a à peine dix ans de plus que lui. Schiller est déjà professeur d'histoire à l'Université d'Iéna et, surtout, aux yeux de Hölderlin, célèbre. Il prendra ses fonctions à la Noël de l'année 1793.

La famille semble satisfaite de son nouveau précepteur, mais Hölderlin décide, pour des raisons obscures (certains font allusion à la pratique masturbatoire "pathologique" de son jeune élève, d'autres à une relation avec la dame de compagnie Wilhelmine Kirms, dont serait né un enfant...) de quitter son emploi (fin 1794) et de suivre les cours de philosophie de Fichte.

En juin 1795, Hölderlin quitte Iéna et retourne à Nürtingen.

C'est durant cette période que sera publié, dans la revue Thalia de Schiller, le premier fragment d'Hypérion.

2.1.4 Francfort - Suzette Gontard

En 1796, un nouveau  préceptorat lui est proposé : à Francfort, dans la famille d'un riche banquier, M. Gontard, pour s'occuper de son aîné, Henry, huit ans.

Deux regards se croisent alors : celui de Suzette, la femme du banquier, et celui de Hölderlin... Elle deviendra la Diotima de Hölderlin, du nom d'un personnage du Banquet de Platon, et ils vivront un amour partagé jusqu'à la mort de Suzette le 22 juin 1802.

Le 10 juillet 1796, Jacob Friedrich Gontard, que ses amis appellent "Cobus", ne se doutant de rien, envoie les siens à Hambourg dans la famille de Suzette, en prévision du siège de la ville par les troupes françaises. Pour des raisons inconnues, ils n'arriveront jamais dans la cité hanséatique et continueront leur route jusqu'à Bad Driburg, charmante station balnéaire du nord de l'Allemagne où ils passeront l'été.

Ils rentrent ensuite à Francfort où la vie reprend son cours normal ; la maison est grande, le mari, distant, feint de ne pas remarquer le trouble non dissimulé des deux amants.

En 1797, le premier tome d'Hypérion est publié chez l'éditeur Cotta (Tübingen).

En septembre 1798, Hölderlin se voit contraint de quitter la famille Gontard suite aux sarcasmes grandissant au sein de la haute société de la ville. Hölderlin et Suzette continueront de se voir secrètement jusqu'en mai 1800, parfois simplement quelques secondes, le temps de s'effleurer la main.

2.1.5 Hombourg (I), Stuttgart, Hauptwil

D'octobre 1798 au printemps 1800, Hölderlin réside à Hombourg von der Höhe, non loin de Francfort, son ami Isaac von Sinclair lui ayant trouvé un logement chez un certain Wagner, artisan-verrier, pour un prix modeste (70 florins l'an) qu'il prélève sur les quelques économies (plus ou moins 500 florins) amassées au cours de son séjour francfortois.

Le deuxième tome d'Hypérion sera publié en 1799, et il travaillera durant cette période aux trois versions de sa tragédie en cinq actes Empédocle, dont aucune ne sera terminée, et produira une série impressionnante de fragments philosophiques, et des élégies sur le thème de la séparation et de la rupture.

Il cherchera aussi à se créer un emploi lui permettant de devenir indépendant financièrement. Il aura le projet de créer une revue, il rêvera aussi de s'imposer comme auteur dramatique : rien que des échecs qui le pousseront à quitter Hombourg.

Le huit mai 1800, il revoit pour la dernière fois Suzette, qui lui remet une lettre d'adieu.

En juin, il retourne à Nürtingen auprès de sa mère, fortement déprimé.

Il s'installe ensuite à Stuttgart (automne 1800), chez son ami Christian Landauer, où il traduit Pindare, qui influencera ses grands hymnes.

En janvier 1801, un nouveau poste de précepteur lui est proposé à Hauptwil (Suisse), au pied des Alpes. La famille Gonzenbach, des manufacturiers et commerçants de toile de lin, installée dans cette ville depuis plus d'un siècle, lui confie l'éducation de leurs deux dernières filles, quinze et seize ans. Malheureusement, Anton von Gonzenbach, le père, qui tenait pourtant Hölderlin en très haute estime, décide de le renvoyer le 11 avril, pour des raisons aujourd'hui encore mystérieuses.

Nouveau retour à Nürtingen, où il restera jusqu'à la fin de l'année 1801.

En juin 1801, il écrit à Schiller et à un professeur de l'Université d'Iéna, Niethammer, en vue d'obtenir une chaire et d'enseigner la littérature grecque. Aucun des deux ne lui répondra...

Le 10 décembre 1801, Hölderlin se remet en route pour ce qui sera son plus long voyage. Destination : Bordeaux, où une nouvelle place de précepteur l'attend. Daniel Christoph Meyer, consul de Hambourg, l'accueille le 28 janvier 1802 (d'après une lettre du poète à sa mère). Il apprendra durant ce séjour la mort de sa grand-mère maternelle et, plus que probablement, la nouvelle de la maladie de Suzette Gontard. Il quittera une nouvelle fois son emploi précipitamment, début mai, et rentrera chez lui début juillet dans un état lamentable, épuisé par le voyage et fragilisé mentalement par le décès de Suzette, dont la mère de Hölderlin n'apprendra l'existence que quelques jours plus tard, en fouillant la malle de son fils et en y découvrant les lettres échangées entre les deux jeunes gens. La folie de Hölderlin ne fera désormais plus de doute pour sa famille et son entourage.

2.1.6 Nürtingen, Hombourg (II)

Hölderlin réside chez sa mère jusqu'en avril 1804, date à laquelle l'ami Sinclair lui trouve une place de bibliothécaire à Hombourg, à la cour du Landgrave (prince) de Hesse-Hombourg, qui a lu l'hymne Patmos, écrit en 1803.

En février 1805, Sinclair est arrêté et condamné car il est suspecté d'avoir conspiré contre le prince. On suspectera Hölderlin d'être complice, mais, faute de preuves, il ne sera pas inquiété. Sinclair sera libéré début juillet.

Schiller quittera la vie cette même année, le 9 mai, à Weimar.

Le Landgrafschaft de Hesse-Hombourg sera dissout entre juillet et août 1806 : Hölderlin perd donc son emploi.

2.1.7 Tübingen

Le 15 septembre 1806, Hölderlin est interné dans la clinique du psychiatre Johann Ferdinand Autenrieth, qui vient d'être fondée (Hölderlin sera le premier de ses patients). Plusieurs traitements lui sont administrés, jusqu'à ce que les médecins décrètent ne plus rien pouvoir pour lui, lui laissant tout au plus trois années à vivre. Le menuisier Zimmer, qui avait lu Hypérion, accepte de le recueillir.

Il quitte la clinique le 3 mai 1807, et s'installe donc chez Zimmer, au premier étage de sa vaste mais néanmoins simple demeure sise au bord du Neckar, où il passera la seconde partie de sa vie, à savoir 36 ans.

Il n'aura quasiment plus de contacts (à l'exception de quelques courtes lettres) avec sa mère, instigatrice de son internement. Celle-ci mourra le 17 février 1828, à l'âge de quatre-vingts ans.

Hypérion sera réédité en 1822, et certains de ses poèmes seront publiés en deux volumes (le premier en 1826, le second en 1842), toujours chez Cotta.

Après la mort du menuisier Zimmer (18 novembre 1836), ce sera sa fille Lotte qui prendra soin de lui.

Il occupera ces 36 années en travaillant et retravaillant ses poèmes, jouant du piano ou de la flûte, arpentant sa chambre de long en large en récitant des passages de son Hypérion ou de Sophocle, en longues promenades dans la région, recevant sans ménagement les personnes curieuses de voir "le poète fou qui vit dans la tour de Tübingen",...

Il s'éteindra le 7 juin 1843 vers 23 heures des suites d'une affection pleuro-pulmonaire aigüe.

2.1.8 La folie

Beaucoup de choses ont été dites (et écrites) sur la folie de Hölderlin. Nous avons tenté, dans cette étude biographique, de rester objectif et de présenter les faits de façon neutre, sans essayer de voir en chacun d'eux un élément précurseur ou déclencheur des troubles schizophréniques (le terme n'existait de toute manière pas à l'époque) du poète. Nous n'avons pas voulu non plus suivre le chemin inverse et faire de Hölderlin un représentant de plus des génies incompris et persécutés par un monde insensible à leur voix.

Pierre Bertaux nous dit par exemple d'emblée, dans son ouvrage richement documenté Hölderlin ou le temps d'un poète, que "des psychiatres, et d'autres qu'eux, ignorant tout de la création poétique, s'imaginent qu'un poème s'écrit comme ils écrivent, eux, une lettre ou un article : assis devant une table, commençant en haut d'une page blanche et tirant à la ligne. Ils prennent naïvement argument du désordre des notes de Hölderlin pour dire qu'il avait l'esprit dérangé."(3) On ne peut lui donner tort, mais certainement se montre-t-il quelque peu excessif en tentant de trouver absolument une explication rationnelle aux épisodes de crise du poète, voire à faire de Hölderlin le Che Guevarra de la fin du XVIIIe siècle, introduisant en Allemagne les idées de la Révolution française.

L'antithèse, évidente, étant de vouloir faire de Hölderlin un simple déséquilibré parmi d'autres dont les œuvres ne seraient "qu'une partie mieux élaborée du monstrueux château dont le délirant masque l'entrée de ses oubliettes."(4)

Nous préférerons sans conteste une position plus nuancée, comme cette analyse de Bettina von Armin : "Pour Hölderlin, je crois qu'une puissance divine l'a inondé de ses flots, et cette puissance, c'est le langage qui a noyé ses sens sous son afflux rapide, irrésistible ; et quand les eaux se sont retirées, elles ont laissé ses sens affaiblis, la puissance de son esprit ébranlée, terrassée."(5)

Hölderlin était-il fou ou non, était-il un génie ? Questions futiles, car qui pourrait, à notre époque, donner une définition acceptable de cette notion purement relative qu'est la folie, et qui s'attarderait encore à voir dans tout génie une touche de folie, ou vice-versa ?


2.2 Biographie de Novalis

2.2.1 Son enfance

Georg Friedrich Phillip  von Hardenberg (Novalis) est né le 2 mai 1772 à Wiederstedt, dans le comté de Mansfeld (Saxe - Est de l'Allemagne), dans la même province et près d'un siècle plus tard que Jean-Sébastien Bach.

Son père, le baron Henri Ulrich Erasme von Hardenberg, avait mené une vie heureuse avec sa première femme, mais celle-ci meurt prématurément. Sa seconde épouse, la mère de Novalis, lui donne onze enfants, dont ses frères Erasme (1774) et Karl (1776).

2.2.2 Ses études

Il termine ses études secondaires au lycée d'Eisleben en 1789. C'est à cette époque qu'il écrit et envoie ses premiers poèmes. Ensuite, c'est la Faculté de Droit de l'Université d'Iéna qui lui tend les bras. Il y suivra notamment des cours avec Schiller (automne 1790).

Il transitera après par les Universités de Leipzig (avec son frère Erasme - 1791), où il rencontrera Schelling et Friedrich Schlegel, et de Wittenberg, où il réussira avec brio ses examens en juin 1794. Il fera la rencontre de Fichte en 1793.

2.2.3 Sophie von Kühn

Sophie von Kühn est née le 17 mars 1782, soit un peu moins de dix ans après Novalis. Ils se rencontrent pour la première fois en novembre 1794, à Tennstedt, lors d'une tournée avec le bailli Just, chez qui il était en stage pour apprendre le métier auquel son père le destinait : administrateur des salines. Sophie sera le premier amour de sa vie et sa mort, le 19 mars 1797, sera également le moteur de son œuvre poétique et philosophique.

Ils se fianceront secrètement en mars 1795 et officiellement en 1796, mais la maladie qui emportera Sophie (une grave inflammation du foie) est déjà bien trop avancée pour être traitée efficacement.

De plus, son frère Erasme succombera des suites de la tuberculose moins d'un mois plus tard...

Le 13 mai, Novalis aura sur la tombe de sa bien-aimée une "vision" : il croira la voir marcher vers lui, le tout mêlé à un sentiment d'extase mystique intense. "Au soir, je suis allé vers Sophie. Là-bas je fus dans une joie, dans un bonheur inexprimables - des moments d'enthousiasme fulgurant - la tombe, devant moi, je l'ai soufflée comme une poussière - les siècles étaient comme des instants; - sa présence sensible : à tout moment je croyais la voir s'avancer devant moi"(6), écrira-t-il plus précisément dans son journal intime à la date du 13 mai (le 56e jour après la mort de Sophie).

Il est plus qu'évident que cette hallucination, très bien gérée par le poète (il n'en fera pas une obsession récurrente), est intimement liée au désespoir le plus profond dans lequel il était plongé depuis le décès de Sophie, et que cette "apparition" n'était rien d'autre que la manifestation cérébrale de son désir le plus profond (à savoir revoir Sophie face à face). Elle a sans doute aussi joué un rôle dans le fait que Novalis ne se soit pas tourné vers la mort volontaire, qu'il évoque plus ou moins ouvertement dans ce même journal, et qui lui a permis d'écrire certaines des plus belles pages de l'histoire de la poésie allemande et universelle.

2.2.4 Julie von Charpentier

Après avoir surmonté le deuil de Sophie, Novalis se fiancera à nouveau, en 1799.

On sait très peu de choses sur Julie von Charpentier, qui est la fille d'un conseiller des mines. Elle a vingt-trois ans, semble épanouie et assez cultivée.

Ils sont sur le point de se marier, mais en août 1800 la maladie va rattraper le poète, qui se met à cracher le sang : la phtisie, qui avait emporté son frère Erasme quelques années auparavant frappe de nouveau. Il s'éteindra le 25 mars 1801, dans un état de sérénité stupéfiant, persuadé de pouvoir enfin s'unir avec la divinité, ou plutôt avec une Sophie divinisée, moins de quatre ans après sa disparition.

"Il est certain qu'il n'avait aucun pressentiment de sa mort, et l'on ne croirait pas qu'il fût possible de mourir avec tant de douceur, tant de beauté"(7), relatera Friedrich Schlegel dans une lettre datée du 27 mars.


Chapitre 3 : Œuvres

 3.1 Œuvres de Hölderlin

3.1.1 Hypérion

Hypérion ou l'Ermite de Grèce est un roman épistolaire (le seul écrit par Hölderlin) racontant la vie et les aventures d'Hypérion, un jeune Grec participant à la révolte de la fin du XVIIIe siècle contre les Turcs. La plupart des lettres sont adressées par Hypérion à Bellarmin, un ami allemand dont on ne lit aucune réponse... Ils discourent essentiellement d'Adamas (le maître d'Hypérion), d'Alabanda (l'ami et compagnon de guerre) et de Diotima (l'amour de sa vie). Hypérion est, dans la mythologie grecque, un des Titans, père d'Hélios, Séléné et Éos. C'est aussi le nom d'un des personnage de la Thégonie d'Hésiode.

Premier volume

 Hypérion vient de rentrer d'Allemagne. Il raconte à Bellarmin son enfance dans l'île de Tina, au coeur de la mer Égée.

Vient alors la rencontre avec Adamas qui lui enseigne la mythologie, la philosophie et les sciences naturelles. Il l'envoie aussi faire un grand voyage qui lui permettra de confronter ses connaissances théoriques avec la réalité du peuple grec. Ce périple lui fera découvrir le monde de ses ancêtres du sud au nord et de l'est à l'ouest, de Rhodes au mont Athos, en passant par Olympie, Sparte et tant d'autres cités qui ont fait la grandeur du monde hellène.

Le récit nous fait ensuite découvrir Smyrne, où son père l'a envoyé se nourrir des coutumes locales. C'est là qu'il rencontre Alabanda, qui désire libérer la Grèce de l'oppression turque. Ils vivront ensemble une relation amicale (ou plus ?) passionnée, passant des heures à discourir de leurs idéaux et de leurs projets d'avenir pour la Grèce. Ils voyagent ensemble à travers l'Asie Mineure, et découvrent , entre autres, Éphèse et Troie. Hypérion va découvrir avec déception qu'Alabanda est en relation avec une société secrète (la Ligue de Némésis)(8) et décide de quitter Smyrne et de laisser Alabanda à ses illusions.

Hypérion passe l'hiver dans les jardins de son enfance et se rend au printemps dans l'île de Calaurée (aujourd'hui Poros) chez son ami Notara. Il va y rencontrer Diotima, qui marquera sa vie de sa lueur. Elle incitera Hypérion à remplir son rôle de révolutionnaire et à guider la Grèce vers la liberté, non pas par la lutte armée mais par la force des idées, qui seules sont capables de construire un monde durable. Ils font ensemble un bref séjour à Athènes.

Second volume

Ils viennent de rentrer d'Athènes quand Hypérion reçoit une lettre d'Alabanda qui lui annonce que les Russes ont déclaré la guerre aux Turcs et l'invite à venir combattre à ses côtés.

Diotima accepte son départ, non sans une certaine amertume bien compréhensible, et ils se font leurs adieux sans savoir qu'ils ne se reverront plus.

Il rejoint Alabanda mais malheureusement les Russes  et les révolutionnaires grecs devront s'incliner face à la supériorité des forces armées turques. Hypérion sera gravement blessé lors d'une bataille.

Diotima meurt et Hypérion, se sentant désespéré et quelque peu coupable de n'avoir pu être présent pour la soutenir, repart en Allemagne, via la Sicile (il monte notamment au sommet de l'Etna), mais est terriblement déçu par le peuple allemand.

Il se retire alors dans la contemplation du printemps allemand qui s'étale devant lui et qui lui redonne espoir en la vie et la conviction qu'il retrouvera un jour sa Diotima.

"Nous non plus, Diotime, nous non plus nous ne sommes pas désunis et les larmes versées sur toi ne comprennent pas cela. Nous sommes des sonorités vivantes, nous sommes en accord dans ton harmonie, nature ! Qui la brise ? Qui pourrait désunir ceux qui s'aiment ?" (9)
 
Quelques citations extraites d'Hypérion

 "[...] il est mieux de mourir parce qu'on a vécu, que de vivre parce qu'on n'a jamais vécu." (10)
"À la terre nous donnâmes le nom de fleur du ciel, et au ciel celui de jardin infini de la vie." (11)
"L'art et la religion, la philosophie et l'organisation politique [...] sont les fleurs et les fruits de l'arbre, et non sa terre ou ses racines." (12)
"La poésie [...] est l'alpha et l'oméga de cette science [la philosophie]." (13)
"Du Néant le plus sublime ne naît également que le Néant." (14)

3.1.2 Empédocle

 Empédocle est un projet de tragédie en cinq actes n'ayant jamais abouti, relatant la vie de ce philosophe grec d'Agrigente qui, selon la légende, se serait jeté dans l'Etna non par désespoir mais pour choisir en la mort volontaire l'acte ultime d'union avec la Nature.

3.1.3 Poèmes

Hölderlin a composé de nombreux poèmes, recensés dans la Bibliothèque de la Pléiade (et chez d'autres éditeurs) sous le nom d'Odes, Élégies et Hymnes. Ces textes, de la période qualifiée des "grands poèmes", ont été composés entre 1800 et 1806.

Bien que certains de ces textes furent publiés en revue, il fallut attendre 1826 pour les voir édités en volume.

Des poèmes dits "de la folie", peu sont parvenus jusqu'à nous, cette même folie (ou prétendue telle) retardant longtemps la publication pour le public francophone d'une traduction véritablement sérieuse de ces œuvres.

3.2 Œuvres de Novalis

3.2.1 Hymnes à la Nuit

Les Hymnes à la Nuit, qui auraient dû, selon la volonté de Novalis, être publiés sous le titre "La Nuit", sont un véritable hommage à cette mystérieuse nuit, la mort de notre corps, qui nous attend tous, quel que soit notre rang. Sa présentation typographique fait de Novalis le précurseur, voire l'inventeur du poème en prose (nous sommes en 1800).

La mort n'y est pas considérée par l'auteur comme la fin de la vie, mais bien comme son véritable commencement. Une vie véritable, libérée des contraintes matérielles, une vie de l'âme, spirituelle à souhait...

Ils sont composés de 6 chants relativement courts, mais d'une intensité que peut seule nous offrir la poésie.

Premier chant (extrait)

"Louange à la reine du monde, à la sublime annonciatrice des mondes de sainteté, à la vestale de l'Amour bienheureux ! Par elle tu me fus envoyée - ô tendre Bien-Aimée - adorable soleil de la Nuit - à présent, oui, je veille - car je suis tien et mien - tu m'as donné révélation de la Nuit source de la vie - de moi, tu as fait un homme accompli. Dans le feu des esprits, oh! consume mon corps, afin que, plus subtil, je puisse en toi bien plus intimement me fondre, et que dure alors éternellement notre Nuit nuptiale." (15)

Faisons ici un petit rapprochement avec l'Hypérion hölderlinien :

"La nuit étoilée était désormais mon élément. Alors, quand le silence était aussi intense qu'au fond des entrailles de la terre où croît l'or mystérieux, alors renaissait peu à peu la vie plus belle de mon amour.

Alors mon coeur exerçait son droit de poésie. Me disait comment l'esprit d'Hypérion avait joué avec sa douce et noble Diotime dans l'antichambre de l'Élysée, avant de descendre sur la terre, pendant une enfance divine bercée par le chantonnement harmonieux de la source, sous des rameaux pareils à ceux que nous voyons sur la terre, quand ils scintillent embellis dans les reflets d'un fleuve d'or.

Et, comme le passé, la porte de l'avenir s'ouvrait en moi." (16)

Deuxième chant

Le poète espère que jamais ne revienne le matin pour pouvoir vivre éternellement dans le sommeil sacré de l'inconscience.

Troisième chant

Le poète pleure sur l'absurdité de la vie qui nous fait vivre solitaire, et toujours plus solitaire, dans un monde vide de sens.

Il évoque aussi le souvenir de sa vision sur la tombe de sa bien-aimée, qui l'avait plongé dans un état d'extase qu'il aurait voulu voir durer l'éternité.

Quatrième chant

Le poète reprend espoir en la vie (le Jour), mais se rend bien vite compte qu'elle n'est que fille de la Nuit, la source originelle de toute chose, bien au-delà de toute matérialité, bien au-delà de toute temporalité, qui ne sont qu'illusions pour nous, pauvres mortels dansant de par le monde pour oublier cette même condition de mortel.

D'autre part, il nous dit que la lumière ne doit sa splendeur et sa genèse qu'à la présence, l'existence de la Nuit.

"Tu [la lumière] te serais dissipée en toi-même, perdue dans l'espace sans fin, si tu n'avais été par elle [la Nuit] contenue, enserrée en ses liens pour devenir chaleur et faire, en flamboyant, naître le monde." (17)

Cinquième chant

Le cinquième chant est le coeur véritable du poème.

La mort (la Nuit) reste un mystère pour les habitants de l'univers, pour les hommes comme pour les dieux. C'est le Christ qui, lors de sa résurrection, va nous apporter la nouvelle qu'un véritable Âge d'Or est à venir, où les âmes seront enfin libérées de leurs chaînes que sont les tourments et l'amertume, et où tous les êtres pourront vivre dans l'Amour véritable une félicité éternelle devant le soleil éternel qu'est la Face de Dieu.

La nuit y est décrite comme le "poème unique de l'éternité"(18) et la Mort nous appelle à un mariage sacré avec les vierges saintes, qui ne sont pas sans évoquer les houris du Coran.

Sixième chant

Le titre du sixième chant ("Désir de la mort") est éloquent, quelque peu inquiétant aussi. Il ne faut bien entendu pas comprendre dans cet intitulé le désir d'une fuite morbide face aux difficultés de l'existence.

Le suicide ne sera jamais une solution, et le poète, qui y a certes songé après le décès de Sophie, va trouver en le désespoir le plus profond la lumière qui va donner un sens à sa vie : l'écriture.

La mort est donc ici considérée comme la clé permettant d'ouvrir les portes du royaume que nous espérons tous, un royaume de paix et de félicité, et désirer ce royaume à travers la mort est loin d'être un crime.

Il est intéressant de faire un parallèle entre ce sixième chant et la problématique du suicide dans l'Empédocle de Hölderlin, du moins pour sa fin tragique, problématique qui a posé question à plus d'un philosophe à travers les siècles, Socrate n'ayant-il pas lui-même préféré boire la ciguë que de se résoudre à l'ostracisme proféré par l'ecclésia ?

"Le véritable acte philosophique est le suicide; tel est le commencement réel de toute philosophie, cet acte seul répond à toute les conditions et à tous les caractères de l'action transcendante"(19), écrit Novalis. Plus de cent quarante ans plus tard, Albert Camus dira : "Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie."(20)

3.2.2 Les Disciples à Saïs

Les Disciples à Saïs est la première œuvre véritablement aboutie de Novalis. Celle-ci est la véritable matérialisation de son désir d'unir en un même chant poésie et philosophie.

"Je suis tout ce qui est, était ou qui sera, et aucun mortel n'a levé mon voile."(21)

La première partie, Le Disciple, évoque la relation entre un maître et ses élèves. C'est un hommage à l'encyclopédisme et à l'hermétisme, où le maître initie peu à peu les jeunes gens venus cueillir la sagesse qu'il dispense. Il leur explique les mystères de toutes les sciences de la Nature et que tous ont à apprendre les uns des autres, quel que soit leur niveau de connaissance et d'éveil, lui y compris.

Quelle ne fut pas sa joie, par exemple, lorsqu'un de ses élèves, un des plus jeunes d'entre tous, mais aussi celui qui semblait le plus triste et un peu gauche, lui apporta, après avoir disparu plusieurs jours et plusieurs nuits, un caillou que le maître s'empressa, les yeux pleins de larmes, d'aller déposer dans un des emplacements demeurés vides de sa collection.

La seconde partie, La Nature, consiste en une longue conversation philosophique entre quatre interlocuteurs successifs, que les commentateurs ont reconnus (ou cru reconnaître) comme étant Schleiermacher, Baader, Henrik Steffens et Novalis lui-même.

3.2.3 Henri d'Ofterdingen

C'est dans ce roman poétique inachevé qu'apparaît le terme "Fleur bleue" ("Die blaue Blume"), terme qui sera raillé pour sa prétendue naïveté par quelques poètes et philosophes du XIXe siècle, et qui est en fait le but ultime de la quête de Henri, le poète et double de Novalis.

Ce roman se situe dans un Moyen Âge virtuel et hors du temps. Henri part à la recherche de son grand amour, Mathilde, qui va se cristalliser au cours de ses aventures en cette fameuse Fleur bleue, qui n'est pas sans rappeler le Graal mystérieux des légendes arthuriennes.

 3.2.4 Fragments

 Novalis nous a légué d'innombrables sentences philosophiques.

La plupart de ces notes théoriques (plusieurs milliers) ont été écrites entre 1798 et 1799 et ont été recensée sous le nom de Brouillon général.

"Des  fragments de ce genre-ci sont des semences littéraires : il se peut, certes, qu'il y ait dans leur nombre beaucoup de grains stériles, mais qu'importe, s'il y en a seulement quelques-unes qui poussent !" (22)

Conclusion

La poésie est intemporelle et universelle.
 
Hölderlin et Novalis le savaient, beaucoup le savent et le comprennent encore aujourd'hui, d'autres le découvriront tout au long de leur parcours, de leur cheminement intérieur.

Chaque destinée est différente, chaque vie est différente, comme les vies des deux poètes l'étaient, mais l'on peut dire qu'ils étaient tous les deux sur le même chemin, le chemin de la poésie.

D'un point de vue personnel, nous sommes très heureux d'avoir mené à bien ce petit ouvrage qui, grâce aux recherches entreprises, nous a permis d'approfondir nos connaissances, essentiellement au niveau biographique, sur ces deux hommes qui ne sont pas prêts de quitter le panthéon de la poésie allemande et internationale.

Le moment charnière de leur vie fut, pour l'un comme pour l'autre, leur premier amour. Suzette Gontard et Sophie von Kühn ont véritablement transformé leur vie, bien plus que les notions philosophiques abstraites dont ils furent abreuvés durant leurs études. Elles devinrent de véritables icônes devant qui l'œuvre des poètes put prendre non seulement son ampleur mais surtout sa profondeur romantique.

Quant à vous, cher lecteur, nous espérons que vous avez pu prendre plaisir à parcourir ces modestes pages et que les quelques envolées lyriques (poète nous sommes, et poète nous resterons...) qui les jalonnent ne vous ont pas paru déplacées compte tenu du ton généralement froid et neutre demandé à ce genre de travail.


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Notes
(1) GUERNE, Armel, Novalis ou la question d'éternité, Préface à NOVALIS, Les Disciples à Saïs - Hymnes à la Nuit - Chants religieux, Paris, 1975, Gallimard, p. 32
(2) HÖLDERLIN, Friedrich, Rousseau (trad. ROUD G.), in Odes, Élégies, Hymnes, 1993, Paris, Gallimard, pp. 39-40
(3) BERTAUX, Pierre, Hölderlin ou le temps d'un poète, Paris, 1983, Gallimard, p.52
(4) LAPLANCHE, Jean, Hölderlin et la question du père, Paris, 1961, Presses Universitaires de France, p.3
(5) von ARMIN, Bettina, citée par COURTINE J-F., dans sa Préface à HÖLDERLIN F., Odes, Élégies, Hymnes, Paris, 1967 (1993 pour la Préface), Gallimard, pp. 7-8
(6) NOVALIS, Journal intime, trad. GUERNE A., Paris, 1975, Gallimard, p. 36
(7) SCHLEGEL F., in GARNIER, Pierre, Novalis, Paris, 1962, Seghers, p. 47
(8) Némésis est, dans la mythologie grecque, la déesse de la Vengeance
(9) HÖLDERLIN F., Hypérion, trad. LEFEBVRE J-P., Paris, 2005, Flammarion, p. 263
(10) ibid., p. 110
(11) ibid., p. 129
(12) ibid., p. 159
(13) ibid., p. 163
(14) ibid., p. 165
(15) NOVALIS, Les Disciples à Saïs - Hymnes à la Nuit - Chants religieux, trad. GUERNE A., 1975, Paris, Gallimard, p. 121
(16) HÖLDERLIN F., op. cit., p. 150
(17) NOVALIS, in op. cit., p. 128
(18) Ibid., p. 137
(19) NOVALIS, in PÉJU P., Novalis, les yeux ouverts de la Nuit, préface à NOVALIS, Journal intime, op. cit., (1997 pour la préface), p. 7
(20) CAMUS A., in ibid.
(21) Inscription du temple d'Isis, à Saïs, citée par JALLET G., Novalis, Paris, 1990, Seghers, p.40
(22)  NOVALIS, in JALLET G., op. cit., p. 30
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BIBLIOGRAPHIE

BERTAUX P., Hölderlin ou le temps d'un poète, Paris, Gallimard, 1983
BRIÈRE Y., Le livre de la méditation, Paris, Le Cherche Midi, 1999
CLAUDON F., Encyclopédie du Romantisme, Paris, Somogy, 1980
GARNIER P., Novalis, Paris, Seghers, 1962
HÖLDERLIN F., Hypérion, trad. JACCOTET P., Paris, Gallimard, 1965
                               Odes, Élégies, Hymnes, Paris, Gallimard, 1993
                             Hypérion, trad. LEFEBVRE J-P., Paris, Flammarion, 2005
JALLET G., Hölderlin, Paris, Seghers, 1985
                      Novalis, Paris, Seghers, 1990
KOMMERELL M., Commémoration de Hölderlin, Paris, Aréa, 1983
 LAPLANCHE J., Hölderlin et la question du père, Paris, Presses Universitaires de France, 1961
NOVALIS, Les Disciples à Saïs - Hymnes à la Nuit - Chants religieux, trad. GUERNE A., Paris, Gallimard, 1975
                       Journal intime, trad. GUERNE A., Paris, Gallimard, 1975
PRÉAUX A., Le Voyage du claustré, Bruxelles, Le Cri, 2007
SCHEFFER O., Poésie de l'infini - Novalis ou la question esthétique, Bruxelles, La Lettre volée, 2001
TODOROV T., Les Aventuriers de l'absolu, Paris, Robert Laffont, 2006

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