vendredi 25 septembre 2015

Vous avez dit comprendre ?

 
Pour comprendre le poète, il nous faut remonter jusques au cri primal, non pas de sa propre existence comme le commun des mortels le ferait, mais jusques au cri primal de la déité, ce cri poussé par l'univers lui-même, celui-là qui est inscrit au plus profond de notre cœur et des cieux. Est-ce un cri de bonheur, de joie, d'horreur ? Comment le savoir, à moins de remonter jusques à cet instant où l'être primordial ne fut plus seul, où il découvrit que pour meubler sa solitude il se pouvait créer non pas un monde, mais une multitude infinie de mondes, interagissant les uns avec les autres d'une manière subtile et impénétrable. Mais voilà alors que surgit justement de ces mondes une réminiscence de l'angoisse extrême de la solitude infinie primordiale, et que le processus de création devient mécanique, une porte de sortie loin de la confrontation directe avec son être propre, et que les mondes créés un à un s'effondrent pour laisser ce fameux cri primal surnager sans que l'on puisse même l'entendre, sans que l'on puisse même deviner son existence, tout empêtré que nous sommes alors dans l'infinitude des mondes créés, et comprendre qu'il est la seule vérité accessible qui soit.
 
Et oui, nous sommes bien seuls. Au commencement, il n'y avait rien. Là-bas, tout était beau, propre et blanc. Puis un jour, surgit de nulle part, un cri. Le cri qui lança le départ de la course de l'illusion absolue. Créations et créatures commencèrent à s'agiter en tous sens, oubliant tout d'elles-mêmes et refusant d'accepter la seule vérité qui soit, à savoir que tout n'est que néant, ou illusion créée pour rendre le néant infini acceptable.
 
Si les mondes sont sortis du néant, intéressons nous alors au néant au lieu de nous obstiner à vouloir explorer et comprendre les mondes.
 
Je n'existe pas. Rien n'existe. Et pourtant l'illusion est tenace, et elle seule nous permet d'accepter notre inexistence.
 
Je suis ivre de néant. Il n'est rien de plus grisant...
 
Au commencement, Dieu était seul. Il se mit à crier car il prit conscience de sa solitude. Pour surmonter son angoisse, il se mit à créer. Puis il fut soulagé d'avoir créé, et se reposa dans le néant et le silence retrouvés.
 
L'univers n'a qu'un message à nous transmettre, c'est qu'il n'aspire qu'à retourner au néant, là où tout est beau, propre et blanc.
 
Comme le saumon qui remonte jusques à son lieu de naissance, comme l'assassin qui toujours revient sur les lieux de son crime
 
Le néant est la plus profonde des sources d'inspiration.

Aspirer à ce que tout retourne au néant serait donc quelque part la piété absolue, se mettre à la disposition de la volonté divine désireuse de retrouver son état originel...
 
Tu peux détruire un monde, voire plusieurs, mais comment pourrais-tu détruire le néant ?
 

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