Ô Cassandre, je sais ta douleur !
Quel être au monde pourrait souffrir plus que toi ?
Ton savoir, ta parole ou ton silence ne sont que torture...
Quoi que tu fasses, où que tu soies, tes yeux voient ce que nul autre ne peut voir !
Tu écris, et ce que tu écris prend vie...
Tu penses, et ce que tu penses devient réalité...
Tu t'es refusée à Apollon, voilà ton seul malheur, ta seule erreur...
Quelques secondes de douleur ou de plaisir auraient fait de toi une reine ou encor une déesse !
Oui, car tu aurais dominé le monde des vivants...
Au lieu de cela, on te moque, te crache à la figure ou te chasse à coups de pierre loin de tes semblables !
Ah, que les hommes sont cruels...
Sans doute est-ce parce que les dieux ont voulu les créer à leur image...
Je te vois à présent au bord d'une rivière.
Même le saumon s'écarte de toi en disant que l'ours qui l'attend en amont est mort depuis deux mille ans...
Oui, Cassandre, je sais ta douleur !
Publié dans le n° 40 des "Chemins de Traverse" (juin 2012)