mercredi 14 juillet 2010

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

  
Il faisait nuit... Pierre découvrait pour la première fois les rues de son quartier quand celui-ci était plongé dans l'obscurité.

Il avait peur... Son père était encore rentré saoul du bistrot d'en-bas. Ce soir, Pierre avait réussi à fermer la porte de sa chambre de l'intérieur. Quand il faisait ça, il savait que les coups seraient destinés à sa mère. Il n'en pouvait plus depuis si longtemps !
À chaque fois, elle lui promettait qu'ils partiraient le lendemain, quand il serait encore endormi. Est-ce par manque de courage ou par amour qu'elle acceptait de subir cela plusieurs fois par mois ? Un peu des deux, sans doute...
Il s'était enfui par la fenêtre, mais où aller ? Son coeur battait à se rompre... Il ne connaissait personne. Pour apaiser son coeur, il s'était mis à courir, et il courut, courut... Et plus il courait, plus les rues se faisaient vides, plus les maisons se faisaient rares...
Combien de temps cela dura-t-il ? Une heure, une nuit, toute une vie, quelle importance ?

Quand son corps fut vidé de toutes ses forces, il s'effondra au pied d'un grand chêne et s'endormit...
Il se réveilla au lever du soleil, marcha un peu, et poussa la grille d'un jardin où quelques pommes l'attendaient... Un vieillard en fureur sortit de nulle part armé d'un mousqueton en hurlant : "Mort aux Allemand ! Mort aux enfants des Allemands qui viennent voler mes pommes depuis quarante ans !"
Pierre se mit à rire, et reprit son chemin le coeur léger...

Il se décida à rentrer chez lui, ayant tout oublié... Au pied de leur immeuble, tous les habitants du quartier étaient assemblés...
- Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ?
- C'est la dame du cinquième, mon petit ! Elle a poignardé son mari durant la nuit, lui répondit Mme Henrotay sans le reconnaître.
Il eut à peine le temps de croiser le regard de sa mère, menottée et entourée de quatre gendarmes, tout juste avant de se remettre à courir...
 

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