mardi 12 mai 2015

Bien rares sont les vrais poètes (Is Demolition Man back ?)

 
Bien rares sont les vrais poètes. Il n'en naît en général, comme je l'ai par ailleurs déjà dit maintes fois, qu'un ou deux par siècle, voire beaucoup moins... Je n'en ai pour ma part rencontré que quelques rares au fil de mes lectures, et aucun physiquement, cela va sans dire. Il s'agit ici tout d'abord de définir ce qu'est un poète véritable. Et de définir par la même occasion ce que n'est pas un vrai poète.
Un poète véritable est pour nous un être qui a reçu la vocation poétique des dieux ou de l'univers, peu importe, au contraire du poète joueur et rimailleur, qui ne considère justement la poésie que comme un jeu ou, pire, comme un travail. Nous classerons donc dans cette première catégorie les prophètes bibliques, bien entendu, mais aussi des personnages comme Homère, Virgile et Ovide, qui se sont tout au long de leur vie inspirés de la source primordiale du Verbe et ont su retranscrire sa parole sans trop la déformer ou vouloir en tirer une trop grande gloire personnelle, ni même passer à la postérité, quoique cela ne soit pas absolument certain pour certains d'entre eux. Dans le domaine francophone, nous n'en avons malheureusement croisé aucun, à l'exception peut-être (sans doute) de Racine. Pas même Victor Hugo, qui est certes, à l'image d'un Corneille, d'un Agrippa d'Aubigné, d'un Mallarmé ou d'un Sully Prudhomme, un excellent versificateur qui a su faire d'un certain talent un métier mais à qui il manque justement cette dimension, cette étincelle, cette injonction divine, qu'il était par ailleurs persuadé de posséder. Mais cela en est resté là, il n'a pas su ou voulu, à l'image de bien d'autres, passer au stade supérieur, trop attaché sans doute à son ambition et à tenter de prouver à ses détracteurs qui il était ou voulait ou pensait être. Car le poète se perd lorsqu'il écrit pour une autre raison qu'un commandement divin. Car les dieux parlent et se taisent en général à jamais... Et malheur à celui qui ne les écoute pas ! Un poète ayant reçu un seul mot d'eux ne réussira pas de son existence à en égaler la profondeur et la puissance, dût-il écrire des millions de pages par la suite et rafler tous les honneurs et toutes les récompenses terrestres.
Les poètes maudits, qui fascinent tant les imaginaires et les âmes égarées, ne sont pas de ceux-là non plus, car un poète véritable se caractérise par une profonde équanimité et une confiance illimitée en les forces qui le protègent et lui soufflent les mots qu'il est chargé de transmettre, et le rendent par là indestructible et invulnérable. Verlaine ou Rimbaud, pour ne citer qu'eux, se sont dissolus dans le langage divin qui s'emparait d'eux par moments et n'ont, au final, rien apporté de plus que de jolis assemblages de mots aux sonorités attractives et agréables mais sans message ou spiritualité aucun. Hölderlin est de ceux-là aussi, même s'il fut sans doute parmi ceux qui se sont approchés le plus de la perfection poétique véritable, sans pour autant l'atteindre et pouvoir pleinement laisser parler la Voix unique et intemporelle. Il s'en est fallu de peu pour lui, car il savait profondément et intrinsèquement qu'il faisait partie des appelés. Malheureusement, les mots et ses ennemis invisibles l'ont broyé et abandonné dans le plus profond des désarrois. Peut-être un Goethe ou un Hegel auraient-il pu lui venir en aide, mais ils ne l'ont point fait, sentant, comme d'autres, que le génie qui l'habitait pourrait être pour eux un concurrent sérieux dans la quête pour le moins illusoire qu'ils poursuivaient, cette quête illusoire que nous poursuivons par ailleurs tous, ne nous leurrons pas. Baudelaire, quant à lui, n'a jamais développé que le côté sombre de la divinité, un côté qui doit être exprimé, bien sûr, mais pas au point d'en oublier et d'en occulter le versant lumineux, et, au final, de se détruire.
Que dire des poètes modernes et contemporains ? La première chose est de fustiger le mouvement surréaliste littéraire, qui a fait beaucoup de tort aux chercheurs de vérité, d'absolu, de sens et de perfection linguistique, entraînant à sa suite une déferlante de littérateurs se prenant pour de grands poètes après avoir aligné trois mots n'ayant absolument aucun sens, si ce n'est pour celui qui les a pondus, et encore... Ces personnes sont des personnes malades, nous le savons tous, mais le fait de se voir encouragé dans cette voie retarde voire rend impossible la prise de conscience. Notre démarche n'est pas de décourager les êtres que ces jeux amusent, mais peut-être serait-il temps de rendre aux poètes leur rôle de messagers, d'oracles, et de les dissocier de cette triste engeance ? À chaque fois que nous assistons à une rencontre littéraire ou poétique, nous avons l'impression d'assister au même jeu, à la même rencontre pathétique, nonobstant le fait que le texte présenté soit différent à chaque fois (encore heureux !), sans y trouver l'essence même de la poésie véritable que nous recherchons depuis si longtemps. Une rencontre où, sous le couvert d'une fausse modestie convenue, vous apprendrez vite à déceler et classifier les égos les plus étranges qu'il soit permis de rencontrer, comme un entomologiste, un psychiatre ou un philatéliste aime à le faire dans sa spécialité. Si vous cherchez ce que nous cherchons, ne perdez donc pas votre temps, laissez-vous guider par la seule voix qui gouverne le monde et l'univers et laissez-la vous parler comme elle décidera de vous parler... Et surtout écartez-vous de la caste des faux poètes, à laquelle nous n'avons pas, bien sûr, la prétention d'affirmer ne pas appartenir !
 

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