Je vais tenter ici de vous dresser le portrait-robot du poète moderne. Promettez-moi de ne pas rire ni de sourire, la situation étant loin d'être amusante... Elle serait plutôt même dramatique !
Le poète moderne, en effet, est bien souvent bibliothécaire, archiviste ou documentaliste, en général au sein d'une grande entreprise publique ou privée. Son métier l'ennuie à mourir, et, comme il lui laisse beaucoup de temps libre, il passe ses journées à écrire, car l'écriture est pour lui un exutoire dans lequel il peut déverser toutes ses frustrations et ses angoisses existentielles. Il se prend tour à tour pour Rimbaud, Verlaine ou Mallarmé, sans posséder l'exubérance des deux premiers, et encore moins l'introspection du dernier... Il faut préciser qu'en général, une fois de plus, il n'est pas arrivé à ce poste grâce à ses compétences, mais tout simplement parce qu'il était le copain d'un copain, et il lui arrive de rêvasser en se demandant à quoi ont bien pu servir ses brillantes années passées à l'Université.
Le poète moderne a aussi la singulière particularité de publier, de publier beaucoup même... Il est fier d'arborer les recueils qui ont été acceptés par des maisons d'édition tenues par les copains de ses copains, ou encore la longue liste des revues avec lesquelles il a collaboré, parvenant à y glisser quelques lignes voire quelques pages...
Ami poète, mon frère, ne fronce donc point les sourcils, toi qui as eu le courage de lire ce billet jusques à son terme, car tu sais mieux que quiconque qu'il faut parfois donner du pied pour réveiller la termitière !