jeudi 29 août 2013


La liberté d'expression, c'est très bien.
Mais de là à laisser les gens critiquer le pouvoir en place, il ne faudrait pas exagérer, hein !


Je ne cherche pas à être lu par le plus grand lectorat possible, je recherche simplement des lecteurs de qualité.


La connerie est universelle.

lundi 26 août 2013

L'ASSASSIN


Du sang coule sur ses doigts mais il garde son
Sang froid de manière méthodique il efface
Tout ce qui pourrait le trahir la moindre trace
De son passage tout en s'essuyant le front

Les mains il essaie de sourire devant son
Reflet aucun des traits renvoyés par la glace
Ne semble révéler que la triste carcasse
Qui dort paisiblement dans son ancien salon

Est une victime de plus à son actif
Pendant quelques instants il demeure pensif
S'il continue de la sorte il restera

Impuni inconnu il est contemplatif
Face à son œuvre et un souffle peu sédatif
Lui suggère que la gloire le boudera

dimanche 25 août 2013


L'écriture est un partage permanent.

[...] un échange permanent.
 

samedi 24 août 2013


- La cible a été repérée. Je répète : la cible a été repérée. Autorisation à tirer ?
- Attendez encore un peu. Nous devons être absolument certains qu'il s'agit bien de lui.
- La cible remonte Basta et se dirige vers le cimetière de Bashoura. Je répète : la cible remonte Basta et se dirige vers le cimetière de Bashoura. Elle est dans ma ligne de mire pour encore trois minutes. Je répète : encore trois minutes.
- C'est bien lui. Vous êtes autorisé à tirer.

Un homme s'effondre sur le trottoir d'une grande avenue de Beyrouth. Crise cardiaque, diront les ambulanciers quand ils arriveront sur les lieux, 52 minutes plus tard. Il n'y a plus rien à faire...

*
*   *

Centre Hospitalier Psychiatrique du Petit Bourgogne, Liège, Belgique, 1986 [Niveau -5]

- Êtes-vous sûr de vouloir continuer, docteur ?
- Évidemment ! Nous sommes sur le point de faire une des plus grandes découvertes de l'histoire de la médecine.
- Peut-être, mais notre déontologie ne nous permet pas de...
- Au diable la déontologie ! Ce sont des cobayes, c'est tout, des êtres dont plus personne ne veut, des parasites. Transférez ces deux-ci au niveau -7, voulez-vous !
- Au niveau -7 ? Je pense que je ne peux pas, docteur.
- Tant pis. Je n'ai pas besoin de vous, après tout. Allez-vous-en !
- C'est ce que je comptais faire, docteur, de toute manière. Je n'ai pas le pouvoir de vous empêcher de continuer vos petites expériences, mais si tout ceci devait mal tourner, ne comptez pas sur moi pour...
- Foutez-moi le camp, alors !
- O.K., d'accord. Adieu, donc... docteur !
- C'est ça, adieu... petit médiocre sans ambition !

Stockholm, Suède, 1997

- [...] et le prix Nobel de physiologie - médecine est attribué cette année aux professeurs Hidetoshi Tawakana, Japon, et Saïd Benguigui, Liban, pour leurs travaux sur la dystrophie musculaire dégénérative, et la maladie de Steinert en particulier.
[applaudissements nourris]

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*   *

Extrait d'un rapport transmis à la Commission européenne des droits de l'homme, un an avant sa dissolution [1998]

Notre agent a pu recueillir de nombreux témoignages et a bien réussi s'introduire au sein de l'établissement susmentionné. Il a relevé un nombre assez important d'infractions mineures (détournement de fonds publics et d'héritages, médicalisations inappropriées, mauvais traitements, etc.), comme dans la plupart des institutions de ce genre, mais aussi et surtout, et comme de nombreux échos semblaient l'indiquer, un réseau très sophistiqué de crime organisé (fraude à l'assurance, homicides volontaires), ainsi que de graves manquements à la Déclaration universelle des droits de l'homme (privation de liberté arbitraire, de nationalité, etc.).
Par contre, aucune trace de sous-sols secrets où des expériences sur des sujets humains seraient ou auraient été en cours, comme un des témoins le laissait entendre. Par acquit de conscience, nous demanderons tout de même à un satellite militaire de se positionner et de scanner la colline de Cointe.

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*   *

[To be continued - dernière mise à jour : 9 septembre 2013]

vendredi 23 août 2013

L'EXORCISTE


Armé d'un crucifix d'un litre d'eau bénite
Et d'un beau sourire l'exorciste entra dans
La chambre où reposait la malheureuse enfant
Qui au grand dam de ses parents était maudite

Habitée par un démon amalécite
Dont nul ne connaissait le nom en regardant
Ses yeux il soupira détacha ses sanglants
Poignets lui caressant sa mine déconfite

C'est bientôt fini ma pauvre petite amie
Lui susurra-t-il puis à brailler il se mit
Quelques mots en latin et lui fit un clin d’œil

Voilà il n'y a plus rien à craindre l'ennemi
N'était pas méchant et de son corps s'est enfui
Maintenant vous pouvez bien ranger le cercueil

L'ATTENTE


Avec un crucifix caché sous son grand lit
Et quelques gousses d'ail pendues au plafond
Elle craint de tomber dans un sommeil profond
De peur qu'un vampire ne morde son joli

Cou voilà plus de quinze ans qu'elle attend Kali
Ou du moins une des ses incarnations
Tout à coup un soupir se fait entendre au fond
Du jardin une ombre rôde et c'est sous les plis

De ses draps qu'elle enfouit son visage atterré
Quelque chose vient de la vitre cogner
C'en est un elle en est sûre elle se saisit

De sa croix de bois et vers la nuit mordorée
S'avance bravement pas de crocs acérés
Derrière les rideaux juste un oiseau transi

dimanche 18 août 2013

L'ICONOCLASTE


Toutes vos idoles je viendrai les briser
Pour restaurer le seul visage digne d'être
Glorifié au cœur des temples se dresse un être
Qui n'est en effet qu'un usurpateur lassé

De vos courbettes et de la fausse bonté
Qu'ostensiblement vous aimez laisser paraître
Que ce soit dans vos ris au rebord des fenêtres
De votre bienveillante hypocrisie j'irai

Mourir en martyr s'il le faut pour rétablir
Le culte du seul vrai dieu digne d'inscrire
Son nom au panthéon des peuples et nations

Je raserai vitraux et transepts pour bâtir
Un royaume idéal qui pourra éblouir
Toujours le regard des jeunes générations

Vieux poivrot ! (pensées philosophiques de fond de bistrot)



Ils voudraient nous faire croire que l'humanité est née en Afrique ?
Et bien moi, je leur réponds que si c'était si bien que ça, l'Afrique, ils y seraient restés, les hommes !

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Quelqu'un sur cette planète pourrait-il m'expliquer pourquoi chaque fois que quelqu'un ose critiquer publiquement le peuple juif il se fait descendre en flamme par les médias ?

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Moi, je vous le dis, il faut toujours chercher à savoir à qui profite le crime.
Et à qui, à votre avis, a profité le plus la Seconde Guerre mondiale ? Aux Juifs, bien sûr... On leur a donné une terre sur laquelle ils n'avaient aucun droit (hormis dans les élucubrations délirantes de Moïse et d'autres prophètes), ainsi qu'un soutien militaire inconditionnel de la part des nations sorties vainqueur du conflit...
De là à dire qu'il serait tout à fait plausible d'imaginer que ce soit les Juifs (ou du moins quelques Juifs influents et ayant un certain pouvoir au sein de la communauté internationale) qui aient fait en sorte que tout ce qui est arrivé durant cette période ait été prémédité par ces derniers, il n'y a qu'un pas.

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Les êtres humains ne méritent pas de fouler cette terre. Ils passent le plus clair de leur temps à détruire leur planète, et ils voudraient qu'on les autorise à coloniser l'Univers ? On verra bien comment ils réagiront quand ils découvriront qu'il y a, quelque part, des prédateurs prêts à les traiter comme ils traitent leur bétail et leurs rats de laboratoire...

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*   *

Je n'ai rien contre les étrangers, du moment qu'ils restent chez eux !

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Mais pourquoi les coiffeurs ferment-ils donc le lundi ? Je pense que la question mérite vraiment d'être soulevée...

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Franchement, quand on est grand, blond, fort et pas trop con, l'eugénisme, on ne peut qu'être pour !

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Hitler n'était-il pas qu'un élu du peuple parmi d'autres ?

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Je ne me demande pas si la Shoa a eu lieu ou non, je me demande simplement pourquoi il y a des lois qui interdisent de dire ou même de penser qu'elle n'a pas eu lieu.

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La folie est bien la seule des choses qui soit intéressante à étudier chez l'être humain.

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L'enseignement dispensé dans nos écoles ne cherche pas à rendre nos enfants épanouis, de faire d'eux des citoyens responsables... Non, le seul objectif de notre système éducationnel est de former de futurs consommateurs, toujours plus avides et assoiffés.

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Les scouts et les jeunesses hitlériennes, c'est un peu pareil, non ?

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Pourquoi la lecture de "Mein Kampf" serait-elle à proscrire ? Elle nous permettrait peut-être de comprendre comment un individu d'une banalité médiocre et affligeante en somme a pu se retrouver à la tête d'une des plus grandes puissances mondiales et déclencher le plus meurtrier des conflits que la planète ait connu.

Do you still want to fight ?


Les êtres qui se croient plus intelligents que moi et osent me défier ne se font pas de vieux os en ce monde.
Celui qui en doute encore peut bien fuir jusques aux confins de l'Univers, je le traquerai et le retrouverai...

mardi 13 août 2013

LE PERSONNAGE



Le premier jour, la première fois où il vint frapper à ma porte, je le reconnus, bien que je ne l'eusse jamais vu auparavant, je veux dire jamais vu autrement que par les yeux de mon imagination.
Je fus surpris, certes, mais je m'attendais à sa visite. J'avais entendu dire ce genre de choses arrivait plus régulièrement qu'on ne le pense aux écrivains, j'avais même lu quelques bouquins sur le sujet.
- Ainsi donc vous êtes écrivain ?
- Oui, Monsieur... Il me semble vous connaître, ou, du moins vous avoir déjà vu quelque part.
- C'est possible. Vous savez, ça fait plus de quinze ans que je relève les compteurs de gaz dans cette ville. J'habite...
- À Nantes, rue Vaugirard, au numéro 15 ?
- Tout à fait ! (il ne semble pas plus surpris que ça) Et vous écrivez des romans, alors ?
- Oui, de la poésie aussi, et des essais...
- Ce doit être passionnant, de pouvoir faire ce que l'on aime dans la vie...
- Oui, bien sûr. Mais comment se porte votre charmante épouse, Clémentine ?
- Oh, elle... Elle se porte à merveille, surtout depuis qu'elle a son nouvel Armand, euh, je veux dire son nouvel amant. Un vieux pote du lycée, vous vous rendez compte ?
- Oui, oui, je me rends bien compte. C'est merveilleux !
- Merveilleux ? Que voulez-vous dire par là ? Moi, je ne trouve pas ça merveilleux du tout !
- Pardonnez-moi, je pensais à autre chose. Que comptez-vous faire ?
- Je vais la quitter. À moins que...
- La hache qui se trouve dans le garage ?
- Oui. C'est amusant, vous lisez en moi comme dans un livre ouvert.
- Plus que vous ne le pensez... Mais si je vous montrais le compteur. Après tout, c'est pour ça que vous êtes venu...

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*   *

Quelques mois plus tard

- Bonjour, Monsieur l'Écrivain.
- Bonjour à vous, inspecteur Farouk.
- Nous nous connaissons ? (il était là, devant lui, tel qu'il l'avait décrit dans plusieurs de ses nouvelles, avec ses cheveux blond vénitien un peu bouclés, ses taches de rousseurs, et son inséparable habano fiché entre les dents)
- Comment, vous ne vous souvenez pas ?
- Non, mais cela n'a que peu d'importance. Pourtant, en général, je n'oublie jamais un visage.
- Que me vaut l'honneur ?
- Il paraît que vous seriez ami avec Marcel Thiéry ? Il nous a demandé de vous contacter...
- Ah, oui. Oh, juste une connaissance, vous savez : il était venu pour le gaz, on a papoté et on a sympathisé, voilà tout... Il est venu trois ou quatre fois à la maison. Il semblait intéressé par mes histoires... J'ai lu dans les journaux, bien sûr... Quelle tragédie ! À coups de hache...
- Oui, une vraie boucherie. Si vous aviez vu... Même moi, qui suis habitué à ce genre de saloperies... Beurk !, dit-il de son air enfantin qui séduisait de nombreuses lectrices.
- Et si vous me disiez tout de go le pourquoi de votre visite ?
- Oui, oui... Une simple formalité, vous savez. Il nous a beaucoup parlé de vous, des propos confus, difficiles à comprendre. Il nous parle de personnages de romans qui prendraient vie, des trucs bizarres que même les psychiatres disent n'avoir jamais entendu, et pourtant ils s'y connaissent en tordus ! Ils ne savent pas trop dans quelle catégorie ils doivent le classer. Vous savez, c'est important pour nous, pour le juge surtout, pour savoir si on doit le mettre en prison ou l'interner dans un asile, et pour combien de temps. Moi, tout ça me dépasse, vous savez. Je les arrête, je les fais parler un peu, je rempli mon petit rapport, et mon job est fini. Après, ce qui se passe...
- Oui, je comprends. Mais qu'est-ce que je viens faire là-dedans, moi ?
- Oh... Il a l'air persuadé que vous lui avez fait lire un manuscrit dans lequel toute sa vie passée et toute sa vie future était consignées, ainsi que les moindres détails de cette histoire sordide. Des propos confus et délirants, vous disais-je, mais bon, pour les formalités, vous comprenez...
- Oui, oui. Bizarre, comme vous dites. Il m'avait pourtant paru tout à fait équilibré, ce garçon.
- Oh, ne vous fiez jamais aux apparences. Les criminels sont souvent des gens très appréciés, que ce soit dans leur quartier, au boulot, dans leur famille, jusqu'au jour où tout dérape, à la surprise générale... Ça devrait vous intéresser, non ? Je veux dire en tant qu'écrivain. Il vous arrive d'écrire des machins policiers ?
- Oui, j'ai publié quelques nouvelles policières. Ce n'est pas ce que je préfère écrire, mais elle se vendent bien...
- Oh, oui, je comprends. C'est votre métier, avec ses avantages et ses inconvénients... Moi, j'ai lu un peu Simenon et Sherlock Holmes, parce qu'on devait, à l'école de police. Mais ça n'a rien à voir avec la réalité du terrain, vous savez. Trop de blabla, de psychologie, d'aventures rocambolesques, et tralala. Un coupable, on voit tout de suite qu'il l'est, et suffit d'attendre qu'il se trahisse ou vienne dans nos bureaux tout avouer ! À propos, pour mon rapport, vous êtes sûr de ne pas avoir écrit un texte où un bonhomme trucidait sa femme et l'amant de celle-ci à la hache ? Vous savez, tout le monde voit bien qu'il est dérangé, mais bon, pour mon rapport... Cela aurait pu l'influencer, vous comprenez...
- Oui, oui. Non, je n'ai jamais écrit quoi que ce soit de ce genre. Vraiment trop cliché, vous voyez...
- Ah, oui, c'est vrai, trop cliché... Vous me rassurez, parce que, petit à petit, on commençait presque à y croire, qu'il avait été d'une certaine manière téléguidé par je ne sais quoi. Les psys ont dit que ça pouvait être une forme de déni somme toute assez courant, que l'inconscient était si puissant... Enfin, moi, je n'y comprends rien à ces histoires de ciboulot détraqué. Tout ce que je sais et qui compte, c'est qu'on l'a cueilli couvert de sang en bas de son immeuble, avec une hache à la main. Il n'a même pas nié, il a juste dit qu'il était comme possédé ou je ne sais plus quoi. Pfff, quelle affaire ! Ça me rend malade, d'ailleurs, toutes ces histoires. Je dois prendre des cachets : un ulcère à l'estomac ! Trop de stress, paraît-il... Enfin, je cause, je cause, et je vous retiens sans trop de raison. Juste une formalité, vous disais-je, pour que l'on ne me reproche pas...
- Oui, oui. Bon, à bientôt, alors !
- Dans de meilleures circonstances, j'espère. J'essaierai de lire vos bouquins, à l'occasion.
- C'est très gentil, ça. Au plaisir !
 
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*   *

Il rentre, ferme la porte à double tour, ouvre un tiroir, saisit une pile de feuilles, la jette au feu, les doigts tremblant légèrement, s'assied dans son fauteuil et se sert un cognac...

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- Ah, inspecteur Farouk... Je m'attendais à votre visite.
- Vous avez lu les journaux, bien sûr.
- Pauvre homme, n'est-ce pas ?
- Ça, on peut le dire. Pour un crime passionnel, il aurait pu s'en sortir avec huit ou dix ans de réclusion. Au lieu de ça, il se suicide lamentablement, sans se donner la possibilité d'expliquer son geste. Et je ne vous parle pas de la paperasserie que ça va faire... Y'en a vraiment qui ne pensent qu'à eux !
- Je veux bien vous croire. Et puis, se pendre avec des draps de lit, c'est assez minable, en effet...
- Tiens, tiens... Bizarre, ça... C'est une information qui n'a pourtant pas été transmise à la presse... Comment savez-vous ? Cela commence à m'intéresser, et je parle sérieusement... À part moi et deux gardiens, personne n'est au courant !
- Oh, ce doit juste être une intuition. Et puis, il n'y a pas trente-six solutions pour se suicider dans une cellule...
- Mouais, vu comme ça... Mais tout de même... Avouez que c'est troublant, d'autant plus qu'il a laissé une lettre pour vous, figurez-vous...
- Ah, la lettre... Euh, je veux dire une lettre pour moi ?
- Oui, une lettre. Malheureusement...
- L'enveloppe qui portait mon nom était vide ?
- Yes, sir. Vous m'intriguez de plus en plus, Monsieur l'Écrivain. Je me demande quel rôle exactement vous avez joué dans cette histoire. Je vous convoquerai un de ces jours, pour que nous puissions parler de tout cela plus en profondeur... Juste par acquit de conscience, avant que de rendre mon rapport définitif à la hiérarchie, vous comprenez ?
- Oui, bien sûr. Et je me déplacerai avec le plus grand des plaisirs, vous pouvez me croire. Je n'ai absolument rien à cacher, vous savez...
- J'en suis certain, d'ailleurs je le vois bien à votre visage, mais tout ceci est vraiment... étrange, dirais-je. Bon, je dois vous laisser pour aujourd'hui. À bientôt, alors ?
- Si Dieu le veut, inspecteur, si Dieu le veut... Soyez prudent sur la route !

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Il rentre, ferme la porte à double tour, ouvre un tiroir, saisit une pile de feuilles, la jette au feu, les doigts tremblant légèrement, souffle profondément, s'assied dans son fauteuil et se sert un cognac... Après quelques instants, il allume une cigarette, et se remet à écrire.

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Article de presse

Ce 28 août dans la soirée, un terrible accident de la route s'est produit au Carrefour de l'Arbre.
D'après les premières informations qui nous soient parvenues, ce serait un problème avec les feux de signalisation qui en serait la cause. Pour des raisons totalement inexplicables, tous les feux seraient restés au vert en même temps pendant de longues minutes, juste avant la collision. Bilan : trois personnes ont perdu la vie, tandis qu'une quatrième est toujours plongée dans un comas profond, mais les médecins sont optimistes car ses fonctions vitales ne semblent pas atteintes. Parmi les victimes se trouvaient deux jeunes gens de moins de vingt ans et un inspecteur de police en service, Cornélius Farouk.

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- Bonjour cher confrère. Que me vaut l'honneur ? Mais comme vous avez l'air pâle... Entrez vite, je vais vous servir un remontant.


[To be continued - dernière mise à jour : 9 septembre 2013]

dimanche 11 août 2013

HÉPHAÏSTOS


Le dieu forgeron aux mains d'or et au pied bot
Martelait encore et encore ressassant
Les tromperies de son épouse aux seins blancs
Et comment il fut des cieux tout jeune marmot

Précipité pour sa laideur il n'est point beau
Il le sait mais c'est tout de même lui qui dans
Son lit accueille la plus charmante du clan
D'après le décret de Pâris père des maux

Des Achéens et des Troyens c'est entre ses
Doigts que naît de Zeus la puissance les excès
Un peu trop généreux de Prométhée tu

Scellas dans le bronze et l'airain c'est de tes reins
Que naquit un des rois parmi les plus sereins
Bien avant qu'Athènes aux hommes se prostitue


Les gens malades ne veulent pas guérir.
Ils veulent simplement que l'on mette un nom ou une étiquette sur leur mal, pour qu'ils puissent se plaindre et que l'on puisse les plaindre, voilà tout...

[D'après une idée de Françoise Mallet-Joris]

lundi 5 août 2013

LE CHAUFFEUR



Madame la Ministre a un nouveau chauffeur. Un Italien. Un de ceux de la troisième génération, un de ceux qui, gênés de leur origine, francisent leur pourtant si beau prénom lorsqu'ils sont amenés à se présenter dans une quelconque assemblée. Enfin, bref, Madame la Ministre a un nouveau chauffeur, un nouveau confident, un nouvel amant, vous l'aurez compris.

Paolo, petit, trapu, la trentaine bien affirmée, avec quelques cheveux blancs lui donnant un charme irrésistible, est la fierté de la famille (on dit même de lui qu'il est devenu un "Monsieur"), et, bien sûr et avant tout, de la Mamma. Il faut l'entendre parler de lui à ses copines de l'usine comme s'il était la huitième merveille du monde, étant capable de discourir pendant des heures sur la manière brillante dont il a obtenu son diplôme de comptable et comment "Madame" a été séduite par les qualités humaines de son fiston.
Paolo, lui, bien sûr, connaît la vérité, qu'il n'osera évidemment jamais avouer à sa mère : son diplôme, il l'a reçu uniquement parce qu'il a couché avec sa prof de droit, qui était également son maître de stage, et il a rencontré "Madame" dans une boîte à partouze très sélect de la grande ville. Il n'est pas dupe, et il sait que lorsqu'elle se sera quelque peu lassée de ses services, elle le remplacera par un grand blond suédois ou un transsexuel brésilien. Tout ça n'a, au fond, que peu d'importance puisque la maman est contente... Il dira simplement qu'il avait brûlé un feu rouge, ou qu'il s'était garé sur un emplacement réservé aux handicapés, et que, par malheur, un journaliste était là, et puis basta ! Elle lui dira que ce n'est pas grave, que cette mégère ne le méritait pas, peut-être ira-t-elle jusqu'à prier saint Christophe pour qu'il lui arrive un accident...

Ce matin, il doit conduire Madame à un congrès agricole, ce qui ne l'enchante guère (Madame, je veux dire). Elle lui a demandé de charger en passant une amie d'enfance, qui est devenue sous-secrétaire du Parti, et qui va selon toute vraisemblance continuer à gravir les échelons.
- Tu es sûre qu'il n'entend rien ?
- Oui, oui. C'est une vitre blindée, tu sais.
- Ah. Il a l'air bien dressé en tout cas.
- Tu l'as dit ! Il fait vraiment tout ce que je lui dis de faire. Il porte mes courses, me donne son parapluie quand il pleut... Il m'a même payé le champagne un soir... Trois bouteilles !
 - Waow ! Et au lit ?
- Oh, là, banal et assez commun. Comme tous les Italiens, tu sais bien. Tu te souviens de Gianni ?
- Celui qui allait mettre un cierge tous les matins à toutes les saintes de la cathédrale pour être certain d'avoir une érection le soir ?
- Oui. Quel abruti ! Enfin, au moins celui-ci ne croit pas en Dieu, même s'il va à l'église tous les dimanches avec sa mère...
- Ne me dis pas qu'il vit toujours avec elle !
- Non, mais c'est tout comme. Elle lui a payé un appartement à trois rues de la maison dans laquelle il a grandi.
- Je vois. Tu vas le garder combien de temps ?
- Je ne sais pas. Encore trois ou quatre mois, je crois. Et merde, on est déjà arrivé. Si tu savais comme je déteste ces bouseux...
- Tracasse, je suis là. Je sais comment leur parler. Un clin d’œil, et hop, dans la poche !
- Oui, mais là, ils demandent trois pour cent !
- De toute manière, on peut les leur donner, ces fichus trois pour cent, à ces doryphores... Pour la forme, on dira deux, et on trouvera un accord à deux et demi !
- Trop forte, la fille... Et je suis sûre que c'est comme ça que ça va se passer ! Tope là, Amiga !
[Elle fait se baisser la vitre blindée]
- Paulo ! (Il détestait quand elle l'appelait comme ça) On en a au moins jusqu'à six heures, donc occupe-toi comme tu peux ! Allez, ciao !

Paolo aimait ces instants de solitude, il aimait ces moments où son esprit pouvait se laisser aller à vagabonder de gauche à droite dans la grande armoire de ses souvenirs. Il s'était même mis à lire ! Lui, vous vous imaginez ? Il n'en avait parlé à personne, surtout pas à sa mère, qui était fière de répéter qu'elle n'avait jamais ouvert un bouquin parce qu'elle avait toujours dû travailler. Son seul témoin et complice est la petite bibliothécaire du quartier, avec laquelle il avait fait ses études primaires, mais qu'il ne reconnaît pas, pas plus qu'elle d'ailleurs. Il a commencé par un San Antonio, quelques Agatha Christie, et le voilà embarqué sans trop savoir ni comment ni pourquoi dans Spinoza. Un nom qui lui plaisait... Et il y prenait goût ! "Deux mains qui se libèrent, c'est un esprit qui s'ouvre", pensait-il (une phrase qu'il avait trouvée sur un petit papier plié en quatre dans un beignet chinois).
Il se demandait s'il l'aimait (Madame, je veux dire). Non, c'était un homme honnête, malgré ses défauts et son manque d'éducation (c'est surtout lui qui pensait avoir des défauts et manquer d'éducation), et il ne pouvait pas supporter les enfants gâtés comme Madame qui étaient nés avec une cuillère d'argent dans la bouche et une autre dans le derrière... Et encore moins ces pseudo-intellectuels, ces universitaires pédants qui, comme Madame, se réunissent entre eux pour se la péter autour de trois bons mots de Plutarque ou de Platon, et à qui sont réservées les places au soleil, alors que pour les gens comme lui, pensait-il... Non, bien sûr. Il avait juste trop bu ce soir-là (ce qui ne lui arrivait que rarement), c'est tout, et il s'était réveillé dans le lit de Madame la Ministre sans trop se souvenir de ce qui s'était passé. Mais bon, il était là, et il s'est dit qu'il avait bien l'intention d'en profiter...
Et pour en profiter, on peut dire qu'il en avait bien profité : une nouvelle télévision à écran plat, une chaîne en or, des jantes pour sa voiture, sans compter les restos étoilés, les soirées au cinéma et à l'opéra, les rencontres avec des gens influents de la région ou d'un peu plus loin, qui lui avaient déjà proposé d'investir ses maigres économies (des cacahuètes pour eux) dans de quelconques affaires qui semblaient pas trop louches en apparence...

Un jour, et comme il s'y attendait, elle lui dit :
- Paulo, il est temps de rentrer chez toi et de m'oublier. J'espère que...
- Pas la peine d'en dire plus, Madame, j'ai compris.
- Ah, bien, très bien. Ben, adieu, alors !
- C'est ça, adieu !

*
*   *

6 mois plus tard

Paolo et Christiane, la petite bibliothécaire, filent le parfait amour, tandis que Madame la Ministre a été destituée (une sombre histoire de détournement de fonds et de délit d'initié), pour être aussitôt nommée à la tête du conseil d'administration d'une banque assez importante.

- Oh, mon Paul, comme je suis heureuse dans tes bras ! Je n'avais jamais vécu ça, et n'espérais même plus le vivre.
- Moi non plus. Si on avait imaginé, à l'école, qu'un jour...
- C'est vrai. Tu te souviens de Mademoiselle Sophie ?
- Bien sûr. Tous les gamins de la classe étaient amoureux d'elle. Faut dire qu'elle était belle, la Sophie ! Avec ses grands yeux noirs un peu tristes parfois, son petit nez mutin, ses joues toujours un peu roses, et son sourire coquin...
- Et bien, il paraît qu'elle s'est mariée avec Monsieur Robert.
- Le prof de gym ?
- Oui. Funny, non ?
- Elle méritait mieux que lui, tout de même...
- Oh, mon chéri. Tu es jaloux !
- Euh, sorry... C'est pas à moi d'en juger, de toute façon, tu as raison. Et s'ils sont heureux tous les deux, tant mieux pour eux...
- Te voilà assagi, mon petit chéri. Dis-moi, où en es-tu dans Nietzsche ?
- Je termine "Humain, trop humain". "Le voyageur et son ombre", j'adore... J'ai l'impression qu'il parle de nous, je veux dire des Européens d'aujourd'hui. Un prophète !
- Encore plus que dans Zarathoustra ? Parce que tu parlais déjà comme ça quand tu le lisais.
- Disons plus direct, moins parabolique, dirais-je...
- Hi, hi. Comme les antennes ?
- Ne te moque pas de moi, veux-tu ?
- Oh, mon chéri... À mon tour de m'excuser.
Dis-moi, pour demain, on fait comment ?
- Comme tous les jeudis : je te conduis à la bibliothèque vers 9 h 15, puis je file au marché acheter tout ce qu'il faut pour remplir le frigo et les armoires, et je viens te chercher à 17 h 30 pour aller dîner avec maman. Tu sais, elle m'a encore demandé...
- Quand on se marie ?
- Oui.
- Et si on lui disait en juin ?
- Tu es sérieuse, là ?
- Plus que jamais...

- Ah, mes enfants, si vous saviez comme cette nouvelle me transporte de joie ! Quel bonheur pour une mère que de savoir son fils heureux et... (elle s'interrompt quelques secondes, pensant "surtout", mais ne le disant point, et reprend son souffle) marié. Avec une si charmante personne, qui plus est...
- Oh, maman, vous me faites rougir.
- Mais il ne faut pas, mon enfant, il ne faut pas. Je vous ai aimée depuis le premier jour... (elle écrase une larme, qu'elle essuie du coin de son œil droit d'un geste maladroit) Ah, si seulement ton père pouvait voir ça... Tu te souviens comme il te prenait sur ses genoux, en te faisant sauter ? Et comme tu riais quand...
- Maman, j'avais trois ans quand il est mort...
- C'est vrai... Je... je... (elle éclate en sanglots)

- Elle était vraiment heureuse pour nous, non ?
- Oui, sans doute. Mais tu n'aurais pas dû lui parler de la maison à la campagne...
- Pourquoi ? L'idée de s'installer avec nous avait l'air de l'enchanter...
- Ça fait tout de même plus de quarante ans qu'elle vit là. Et puis c'est là qu'elle s'est installée avec papa, et...
- Je ne vois pas où est le problème. Je suis même sûre que ça lui fera du bien ! Mais, à propos... Je sais que la question est délicate, mais... Est-ce qu'elle, enfin, n'a jamais...
- Pensé à refaire sa vie ? Non, je crois qu'elle est restée seule durant toutes ces années.
- Ça a dû être dur pour elle, non ?
- J'imagine. Parlons d'autre chose, veux-tu ?
- Oui, pardon mon chéri. Je t'ai apporté le livre que tu m'avais demandé. Tu sais, celui que l'on a été obligé de demander à la bibliothèque provinciale ?
- "Le monde comme volonté et comme représentation" ? Oh, merveilleux !
- Tu as vraiment l'intention de lire ça ? Ça m'a l'air tellement...
- Tu crois que je ne pourrais pas comprendre, c'est ça ?
- Mais non, mon chéri. C'est juste que ça a l'air un peu... ennuyeux, non ?
- Mais que du contraire, c'est vraiment passionnant. D'ailleurs, Nietzsche en parle souvent.
- C'est vrai que tu es assez... encyclopédique, dirais-je. Tu sais que je t'aime ?
- Bien sûr, ma chérie. Bonne nuit !
- Bonne nuit...

*
*   *


Tràpassi, Sicile, Italie, 1954

- Mais enfin, maman...
- Il n'y a pas de maman, ici. Tu n'es plus ma fille, et personne de la famille ne t'adressera plus la parole, quoi que tu fasses. Va-t'en avec ton Pietro, et ne remets jamais les pieds dans le pays, ou je te promets que nous vous réglerons votre compte.
- Il s'appelle Francesco, et...
- Je me fous du nom de celui qui t'a engrossée, petite traînée ! Je te répète que tu n'es plus ma fille.
- Mais, mais... Où allons-nous aller, qu'allons-nous devenir ?
- Ce n'est pas mon problème. Vous pouvez partir aux États-Unis, comme tant d'autres. Ou en Belgique, pourquoi pas. Il paraît qu'ils ont besoin d'abrutis qui acceptent de descendre dans les mines par là. Peu importe, de toute manière. Allez, maintenant disparais !
- Laisse-moi au moins faire une valise...
- Hors de ma vue !
[Elle se saisit d'une assiette qu'elle lui jette à la figure, la manque et va s'écraser contre le mur de la cuisine. Maria s'enfuit en pleurant.]

Anvers, Belgique, quelques mois plus tard

- Maria, Maria... Comment allons-nous nous en sortir ? Nous n'avons même pas de berceau pour accueillir notre enfant... Et comment allons-nous le nourrir ?
- Ne te tracasse pas, Francesco. Dieu veille et sait ce dont nous avons besoin !
- Tu es comique, toi. Tu as vu dans quel bouge immonde il nous a conduits, Dieu ? Ça fait quatre mois que nous ne mangeons que du riz et des pommes de terre. Et je ne comprends pas un traître mot de ce qui est écrit sur les formulaires qu'ils nous ont donnés à la commune pour les papiers !
- Ce n'est pas grave... On trouvera bien un traducteur ou un écrivain public qui pourra nous aider. On ne pouvait pas se douter qu'ils ne parlaient pas français partout, les Belges... Et le boulot, ça va ?
- Oh, ne m'en parle pas. Ce matin un gamin juif m'a craché à la figure parce que je ne pigeais pas ce qu'il voulait. Et devant un agent de police, en plus... Il m'a regardé (l'agent de police, je veux dire), et il a tourné les pas d'un air hautain !
- Comment pouvais-tu savoir qu'il était juif ?
- Qui ça ?
- Ben, le gamin...
- Oh, tu sais, ils ont leur drôle de coiffure, et leurs drôles d'habits... Et j'en ai vraiment marre de ramasser les poubelles ! Je ne sais pas ce qui me retient de...
- Fais ça pour le petit, mon amour. Tes mains sont notre seul espoir. Ah, ça fait mal !
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Je crois que c'est le petit qui arrive...
- Avec un mois et demi d'avance ? J'appelle le médecin !

3 heures après

- Voilà, monsieur. Je vous présente votre fille.
- Une fille ? Et bien ce sera Laeticia, comme ma grand-mère. Bonjour, ma petite ! Et Maria ? Je peux la voir ?
- Écoutez... J'ai fait ce que j'ai pu. Elle avait déjà perdu beaucoup de sang avant que je n'arrive, et...
- Vous voulez dire qu'elle est...
- Non, mais je ne suis pas optimiste. Elle a perdu connaissance, et il va falloir la transporter à l'hôpital.


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Maria (1935 - 1955) - Francesco (1932 - 1974)
Laetitia (1955 - ....) - Salvatore (1957 - 1979)
Paolo (1976 - ....) - Christiane (1977 - ....)

[To be continued - dernière mise à jour : 1er septembre 2013]

dimanche 4 août 2013

LA PRINCESSE TRISTE







Élisabeth dansait les regards se portaient
Vers elle et sa grâce naturelle son cœur
Pourtant se serrait à chaque pas ses humeurs
Lunatiques prenant le dessus elle était

Depuis son enfance la plus tendre en effet
Atteinte par moments de profondes langueurs
Sans que nul ne puisse y remédier les docteurs
Avaient affirmé que le mariage serait

Pour elle bénéfique et réconfortant qu'un
Mari doux et aimant chasserait les embruns
De sa mélancolie il n'en fut rien et les

Praticiens ne purent que s'en apitoyer
Quelques larmes coulent elle semble foudroyée
Blêmit et s'effondre tout en criant la paix
 

LES SINGES SAVANTS


Les singes savants se trouvent partout sur Terre
Et ils m'insupportent au plus haut point depuis
Longtemps la rage aux dents je les regarde nuit
Et jour abreuver nos archives délétères

L'étant suffisamment déjà de mots austères
De thèses de notions et de concepts d'ennui
Profond et dont le but est de combler le puits
De leur ignorance par des gravats sectaires

Apprendre est si noble mais imposer et faire
Ânonner sans comprendre aux enfants de l'enfer
Est punissable car ceux-ci ne sont en rien

Responsables des torts et des errements des
Générations qui les ont précédés des
Apophtegmes fleuris n'espère nul soutien

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